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et qu’on peut dès lors considérer comme l’expression des sentimens de l’église hébraïque, je lis au chapitre des devoirs cette question : « Les lois qui règlent les rapports d’humanité d’un Juif envers un autre Juif sont-elles applicables aux non-israélites ? » Réponse : « Évidemment oui, car la loi fondamentale des devoirs, « aime ton prochain comme toi-même, » s’étend aussi bien aux Israélites qu’aux non-israélites ou aux gentils. Il est écrit en effet : « Si un étranger séjourne parmi vous, dans votre terre, vous ne le maltraiterez point ; mais cet étranger qui demeure parmi vous sera vu comme s’il était né parmi vous, et vous l’aimerez comme vous-même, car vous aussi avez été étrangers sur la terre d’Égypte. » Cette déclaration si formelle est de nature, il me semble, à désarmer les haines religieuses, et donne une idée élevée de la morale des Juifs modernes. Si ces mêmes Juifs ont longtemps vécu séparés des chrétiens, la faute de cette division doit être attribuée aux lois qui les parquaient dans certains quartiers infects des villes, dans un petit nombre d’industries déterminées et dans des limites sociales qu’il leur était interdit de franchir.

Le même lien qui unit la population juive de Hollande aux familles israélites d’Angleterre ou d’Allemagne la rapproche aussi des Israélites du Nouveau-Monde : ce lien est la communauté d’origine. Quand les enfans de Jacob furent bannis de l’Espagne, plusieurs d’entre eux, au lieu de se diriger vers la Hollande, cherchèrent un asile dans l’autre hémisphère. La découverte de l’Amérique ouvrait un vaste champ à leurs entreprises commerciales. Dans les siècles suivans, beaucoup de familles israélites dispersées dans les différens états de l’Europe, mais surtout dans les Pays-Bas, tournèrent leurs yeux vers cette nouvelle terre sainte où la liberté avait établi son temple. Les Juifs ont commencé de s’établir à New-York vers l’année 1656. Quelques pierres tumulaires portant des inscriptions hébraïques, vieilles de deux siècles, demeurent encore debout dans un des cimetières de cette ville. Aujourd’hui les synagogues sont répandues sur une immense surface de terrain, depuis les neiges du Canada jusqu’aux steppes brûlées de la Guyane. Ces synagogues, indépendantes les unes des autres, règlent séparément leurs intérêts. À New-York, à Philadelphie, dans toutes les grandes villes de l’Union, il existe des écoles, des églises, des centres d’instruction religieuse et littéraire, des sociétés pour améliorer la condition des Juifs. On trouve parmi eux des ouvriers et des artisans dans toutes les branches de l’industrie. Les Juifs ont prospéré aux États-Unis : aussi aiment-ils cette patrie adoptive d’un amour égal à celui des autres citoyens, avec lesquels ils partagent tous les fruits de la liberté. Un grand nombre d’entre eux, tous ceux qui pouvaient porter les armes, se joignirent