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Les synagogues anglaises, se gouvernent elles-mêmes par une sorte de petit parlement électif, dont les membres se renouvellent chaque année. Quoique fixés par des intérêts considérables sur le sol de la Grande-Bretagne, les Israélites anglais ont encore les yeux et le cœur tournés vers leur antique patrie, vers la terre de Chanaan. Les familles juives forment les pierres vivantes du temple, et tant que les pierres sont debout, quoique dispersées, l’espoir de la reconstruction n’est point éteint. Il faut d’ailleurs, selon eux, que les prophéties s’accomplissent[1]. Les derniers événemens de la guerre d’Orient ont ranimé ces espérances. Un mémoire a été adressé tout dernièrement par quelques Juifs anglais au lord-maire de Londres, pour que celui-ci provoquât un meeting tendant à favoriser la restauration des Israélites à Jérusalem. « Un conflit, dit ce mémoire, entre les deux grandes églises chrétiennes, touchant les droits de chacune sur la Terre-Sainte, a donné naissance à la dernière guerre. Ces droits demeureront instables aussi longtemps que les sentimens religieux des deux puissances rivales resteront appuyés sur l’état actuel des choses. En conséquence le débat peut renaître d’un jour à l’autre et éclater en une conflagration générale. Le peuple juif est, par son ancienne occupation des lieux et aussi par la promesse divine de restauration qu’il a reçue, le seul propriétaire légitime de la Terre-Sainte. Cette circonstance a été perdue de vue par les hommes durant la guerre, mais elle n’échappera pas aux yeux du Tout-Puissant dans le temps de la paix. Aujourd’hui les relations amicales de la France et de l’Angleterre, et de ces deux nations avec la Turquie, présentent une occasion favorable au-delà de toute attente pour réaliser les desseins avoués de. Dieu sur le l’établissement (the re-nationalizalion) des Juifs dans la Judée. »

J’ai dû signaler cette demande comme un exemple de la foi vivace des Israélites dans l’impérissable existence de la patrie. Ce noble sentiment a résisté chez les Juifs modernes à l’action du temps, à toutes les tortures et à tous les exils. Un peuple qu’on suit dans l’histoire à une trace de sang, et qui, malgré tout, transmet d’âge en âge à ses enfans une religion nationale, cause de toutes ses in fortunes, ne mérite point le mépris dont on l’accable encore dans

  1. Le texte de ces prophéties se trouve répandu dans les différens livres de l’Ancien-Testament : « Le Seigneur l’on Dieu mettra fin à ta captivité et ramènera tes enfans du sein des nations au milieu desquelles il les a dispersés… — Et le Seigneur ton Dieu te reconstituera dans la terre que tes pères ont possédée et que ta posséderas toi-même… — Et mon peuple rebâtira de grandes villes, et il les habitera ; il plantera des vignes et en boira le vin ; il fera des jardins et en mangera les fruits… Et il ne sera plus chassé de cette terre que je lui ai donnée. »