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à Londres[1]. L’histoire impartiale aime à reconnaître que les familles israélites contribuèrent à la prospérité du royaume et à l’accroissement de la navigation, en exportant les produits des manufactures, surtout les articles de laine. On ne découvre pourtant qu’en 1723 des traces de leur incorporation comme sujets britanniques. Les Juifs peuvent aujourd’hui témoigner en justice, ils peuvent remplir différentes fonctions publiques, mais la même indulgence ne s’étend point encore à leur entrée dans le parlement. Ils ne sont d’ailleurs séparés de cet honneur national que par un serment, ou pour mieux dire, par les termes du serment : « Je jure sur la foi du chrétien… » En principe ils sont admissibles, en pratique ils ne sont point admis. La chambre des communes avait naguère renversé cet obstacle ; la chambre des lords vient de le maintenir. Personne n’ignore que dans le mécanisme des institutions constitutionnelles auxquelles la Grande-Bretagne doit ses libertés, l’aristocratie anglaise représente l’élément de résistance ; mais cet élément n’est point inflexible. Sa force consiste précisément à céder devant les circonstances. L’opinion s’est depuis longtemps prononcée contre les incapacités politiques, dernières traces de l’intolérance religieuse et des âges de barbarie, et comme en définitive dans ce pays de publicité c’est toujours l’opinion qui devient souveraine, la cause des Juifs est assurée de triompher. La ville de Londres en particulier ne cesse de protester contre un usage suranné, en portant à chaque élection dans la chambre des communes un membre Israélite à qui il est interdit de siéger, mais dont l’absence même indique le vœu des habitans. Un fait récent et significatif est encore la nomination d’un Juif, M. David Salomons, à la dignité de lord-maire. Tout cela prouve que la loi est sur ce point en arrière des mœurs » Quant aux Juifs anglais, ils attendent en silence le retrait des dernières dispositions légales qui s’opposent, dans la Grande-Bretagne, à l’exercice de tous leurs droits politiques. Israël est le, peuple de l’attente. Patient comme Dieu, parce qu’il se croit éternel, il s’appuie sur le temps, qui use et vieillit toutes les institutions humaines, mais qui travaille pour les races opprimées.

Les Juifs anglais se divisent, comme les Juifs hollandais, en familles d’origine portugaise et en familles d’origine allemande. Contrairement toutefois à ce que nous avons observé en Hollande, les Israélites dont les ancêtres ont longtemps séjourné en Espagne et en Portugal sont généralement soumis en Angleterre à une condition assez malheureuse. L’orgueil est leur défaut dominant et la source

  1. L’émigration des Juifs hollandais en Angleterre a continué pendant le XVIIIe siècle, et continue encore tous les jours. Le rabbin de la synagogue espagnole est né dans la Néerlande.