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Les Juifs qui s’éloignent de cette direction pharisaïque et talmudiste se rapprochent singulièrement du christianisme. Ils ne forment point précisément un parti ; ils se distinguent seulement des autres Israélites par une tendance plus philosophique, une interprétation plus large des Écritures. La plupart d’entre eux envisagent la diffusion de l’Évangile comme un grand fait providentiel ; ils écoutent, comme un écho de leur passé et comme un pressentiment de leur avenir ; ces chants nationaux que les différentes églises chrétiennes leur ont empruntés ; ils se réjouissent d’un événement qui doit préparer sur toute la terre le règne de leur Messie, l’unité du genre humain. Sur quels motifs se fondent-ils cependant pour ne point se réunir à la religion chrétienne ? — Le Christ annoncé par les Écritures, disent-ils, doit être un homme, non un dieu, ni une part de dieu ; les promesses faites par les prophètes depuis le commencement du monde, et qui doivent se réaliser à l’avènement du Messie, ne sont point toutes accomplies encore, parce que le genre humain n’est point notablement changé, que les inimitiés et les inégalités entre les hommes ne sont point éteintes, qu’on attend toujours la paix universelle. Enfin le Nouveau-Testament, selon eux, présente des contradictions. — Il est inutile de discuter ces objections ni de les détailler ; je ferai seulement remarquer que toutes les civilisations anciennes ont péri pour s’être refusées au progrès ; la nation juive est la seule qui ait résisté au temps en s’appuyant sur l’immobilité du dogme.

La vie des Juifs à tous les âges est comme enveloppée dans les pratiques religieuses. À moins de raisons sérieuses, l’enfant israélite doit être circoncis dans les huit jours qui suivent la naissance ; c’est le baptême de l’ancienne loi. Tout jeune, il apprend à lire dans la langue originale le Pentateuque, le Mishna, le Gemara et les livres de prières ; bien peu d’ailleurs étudient l’hébreu grammaticalement, et se mettent en mesure de le parler ou de l’écrire[1]. À treize ans et un jour, le jeune Israélite passe de l’autorité paternelle sous l’autorité de la loi. Jusqu’ici, c’était le père qui était responsable des fautes du fils ; maintenant le premier déclare, en présence des autres Juifs, qu’il est déchargé de ce fardeau moral : le fils prend alors le nom de Bar metsvah, enfant du commandement. Les jeunes filles juives sont émancipées à douze ans et un jour. Le mariage est regardé pour les Israélites des deux sexes comme un devoir sacré et indispensable ; les jeunes gens

  1. Dans le langage familier des classes inférieures des Juifs d’origine germanique il s’est glissé un assez grand nombre de mots hébreux et allemands qui, mêlés au Hollandais, constituent une sorte de jargon dont ils se servent pour converser entre eux. Les Juifs de l’Afrique ont continué de parler la langue de leurs pères ; ceux du Levant parlent l’espagnol ou l’italien.