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L’HISTOIRE ET LES HISTORIENS DE L’ITALIE.

ne pas conclure la paix, si on lui offre des conditions avantageuses. »

La diplomatie vénitienne va chercher au bout du monde un roi de Perse pour s’en faire un allié, et celui-ci demande à son tour l’appui de la flotte vénitienne contre leur ennemi commun, tandis que le sultan envoie un ambassadeur au duc de Milan pour l’exhorter à attaquer la république, et que le roi de Naples l’invite à envahir l’Albanie. Le gouvernement vénitien, inquiet de la ligue que fomente le duc de Milan, consent à une trêve avec le sultan, sans exiger que la flotte turque ne puisse franchir les Dardanelles. Sur quoi Malipiero fait cette réflexion : « Et c’est une grande honte que ce pays ait trouvé bon de faire un traité avec les Turcs sans cette antique et noble condition tant chère à nos anciens, et qu’ils avaient soin d’insérer dans toutes les capitulations. » Mais ce qui est bien pis qu’un traité peu glorieux, ce sont les intelligences établies entre plusieurs puissances chrétiennes, le roi de Naples, le duc de Milan, Florence, Ferrare, le très saint empereur d’Allemagne Maximilien, enfin le pape Alexandre VI d’une part et le sultan de l’autre, pour exciter celui-ci à attaquer la république de Venise, un des boulevards de la chrétienté. C’est ce dont on ne peut douter en lisant les Annales de Malipiero.

La seconde partie de ces Annales traite de l’histoire intérieure de l’Italie. Cette histoire est affligeante. L’Italie use dans des querelles intestines une vigueur qu’elle ferait mieux de réserver contre l’étranger. La république de Venise, qui négocie toujours, entre dans plusieurs ligues, tantôt contre le pape, tantôt contre le sultan. Les Vénitiens s’alliaient là où ils avaient intérêt a le faire. La plus sagement motivée de ces ligues fut celle de 1473 pour la conservation et défense des états italiens contre qui que ce soit ; mais bientôt le roi de France fut un des chefs de cette ligue, qui devait protéger la nationalité italienne, et comme le pape lui était devenu contraire, Louis XII lui écrivit une lettre, signée « le fils de votre sainteté, » dans laquelle ce fils peu respectueux disait au saint père : « Plût à Dieu que votre sainteté daignât considérer ce qu’elle fait, et si elle ne peut résister au Turc, que du moins elle n’eût fait dommage à personne, de sorte que votre ministère ne se fût attiré aucun blâme, car votre sainteté n’ignore pas que l’Apocalypse a annoncé qu’il y aura des scandales dans l’église, et que les auteurs de ces scandales ne dureront pas, mais auront une fin terrible (atrocissime perire) dans ce monde et dans l’autre ! »

La ligue contre les Turcs, où Venise était entrée, fut bientôt rompue, et cet état fut engagé dans une guerre contre le pape. Les lettres de la seigneurie de Venise à Sixte IV sont curieuses. On ne saurait mieux maintenir son droit avec les formes d’un respect si profond, qu’il est presque ironique. Puis les Vénitiens entrent dans la confé-