Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/743

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un succès égal à celui qu’ils ont obtenu ? » Nul pays sur la terre ne s’appropriait d’ailleurs mieux que la Hollande aux goûts industrieux de la nation juive. Au moment où toute l’Europe vivait encore sous l’empire d’une organisation militaire, cette petite république des Provinces-Unies, berceau du commerce et des arts utiles, s’appuyait sur le principe que la classe moyenne devait inaugurer en France, deux siècles plus tard, en portant ses hommes et son influence aux affaires. Le commerce vit de liberté : les Provinces-Unies jouissaient, sous ce rapport, d’une législation qui garantissait à chacun ses droits, et la propriété de son travail. La position géographique était admirable : la mer s’ouvrait de toutes parts, et sur la mer l’horizon des grandes entreprises commerciales. Des flottes destinées à protéger le mouvement intérieur des affaires et à étendre les rapports de la Hollande avec le monde entier ombrageaient les villes d’une forêt de mâts. Il n’y avait pas jusqu’à cette terre, où les eaux se trouvaient suspendues comme par miracle, qui ne rappelât aux Israélites les principaux faits de leur histoire : là, ils pouvaient en quelque sorte traverser une seconde fois la mer à pied sec, Le moyen de s’étonner que sur un théâtre si conforme aux mœurs, aux traditions et aux facultés acquises de leur race, les Israélites modernes aient ressaisi une situation honorable et florissante !

Au milieu du XVIIe siècle, les états-généraux coupèrent court aux différends qui avaient surgi entre la république, l’Espagne et le Portugal au sujet de quelques cargaisons appartenant à des Israélites établis en Hollande, et à qui les deux cours prétendaient refuser la qualité de citoyen néerlandais. Les états de l’union néerlandaise déclarèrent qu’ils « considéraient comme citoyen néerlandais tout Juif établi sur le territoire de la république, et que ses droits seraient protégés efficacement sur terre et sur mer, si l’on se hasardait encore à les violer. » Plus tard, dans le même siècle, Guillaume III choisit pour un de ses agens diplomatiques en Espagne un Israélite, le marquis de Belmonte, honneur tout spécial, à ce qu’il paraît, car, si les Israélites jouissaient en Hollande de la liberté de conscience et du libre exercice de leur religion, si leur commerce était protégé, des ordonnances les excluaient de toutes les charges publiques. Il ne faut pas s’exagérer le système de protection que les Provinces-Unies accordèrent aux Juifs. Chacune de ces provinces étant souveraine et pouvant s’administrer elle-même, la condition des Israélites différait beaucoup d’un district à l’autre. Il était défendu aux Israélites de résider dans plusieurs localités. En Hollande même, où leur position se trouvait meilleure que dans le reste des Pays-Bas, ils eurent plus d’une fois à se défendre contre des préjugés invétérés. Il existe un document historique assez curieux : c’est une