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l’époque orageuse du triumvirat. On lit encore sur la porte San-Lorenzo, l’ancienne porte Tiburtine, qu’Auguste a réparé les conduits qui aboutissaient à cet endroit :

Rivos aquarum omnium refecit.


Auguste construisit un aqueduc sur la rive droite du Tibre pour amener de l’eau à sa naumachie (aqua alsielina) ; cette eau n’était point bonne à boire. Cet aqueduc ne fut donc pas une œuvre d’utilité publique, mais une fantaisie de magnificence. Il s’occupa d’embellir la ville ; c’est encore un soin que prirent les plus mauvais empereurs comme les meilleurs. Voltaire a dit un peu durement :

Un poltron tyran de l’état
L’embellit de sa main sanglante.


En revanche, Il y a quelque exagération à prétendre, comme Tite-Live, qu’Auguste fut le fondateur ou le restaurateur de tous les temples de Rome ; Auguste lui-même exagérait en disant qu’il avait trouvé Rome de briques et la laissait de marbre. Encore après lui elle était formée de rues étroites et tortueuses. Tacite parle à ce sujet à peu près comme Cicéron et comme parlerait un voyageur de nos jours. Dion Cassius dit qu’Auguste faisait allusion par ces paroles à la stabilité qu’il avait donnée à l’empire. La suite de cette histoire, qui nous montrera l’empire théâtre, presque à chaque nouveau règne, d’une révolution violente, jusqu’à ce qu’après s’être en vain débattu contre les Barbares, il soit envahi par eux, nous apprendra ce qu’il faut penser de cette stabilité ; le mot d’Auguste n’est pas plus vrai dans un sens que dans l’autre.

Le premier, Auguste eut l’idée de faire pour Rome un ornement des obélisques : c’était une dépouille de l’Égypte, comme un trophée d’Actium ; il inscrivit sur celui qu’il avait placé dans le grand cirque, et qui orne maintenant la Place du Peuple, ces trois mots : Soli donum dedit (donné au soleil). Cette inscription a de la noblesse. Il en est ainsi de toutes celles qui datent d’Auguste. Plus tard, les inscriptions impériales tombèrent dans l’emphase qu’amène toujours l’adulation. Sous Auguste, la décadence des âmes n’est pas encore arrivée jusqu’au langage. La mâle simplicité des âges libres survivra assez longtemps, dans les inscriptions monumentales, à ces âges eux-mêmes, et l’expression aura encore de la grandeur quand les sentimens n’en auront plus.

Auguste, administrateur infatigable, ne pouvait négliger le soin des routes. Tantôt il faisait supporter au public les frais d’entretien, tantôt, comme pour la voie Flaminia, il s’en chargeait lui-même, sur quoi Dion Cassius, qui est loin d’être un écrivain factieux, fait la réflexion suivante : « Je ne vois pas où était la différence entre le trésor