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Scopas en marbre et de quatre vaches en bronze de Myron. On y voyait les images, aussi en bronze, des cinquante Danaïdes et des cinquante fils d’AEgyptus, beaucoup d’autres objets d’art et notamment une collection de pierres gravées. On a déterminé l’emplacement de ce temple et trouvé des débris qui en proviennent ; aujourd’hui ces débris ont presque entièrement disparu sous les artichauts du Palatin.

Auguste paraît avoir eu une dévotion particulière pour Apollon, dont on alla jusqu’à le dire le fils. Une statue qui était dans sa bibliothèque le représentait sous les traits de ce dieu. Il y avait pour lui à ce culte particulier d’Apollon plusieurs raisons. Apollon était honoré à Actium, où Auguste lui avait fait ériger un temple ; d’ailleurs ce culte convenait à un empereur lettré et même poète. Son goût des lettres était représenté par une bibliothèque grecque et latine annexée au temple d’Apollon. Il y avait fait placer des images d’hommes illustres ; c’était un grand honneur d’y avoir son portrait. Auguste aimait ce lieu d’étude au point d’y rassembler quelquefois le sénat.

Copiant volontiers César quand ce n’était pas trop difficile, il avait à son exemple donné un forum de plus aux Romains. Auguste voulut que les causes y fussent débattues ; il était bien aise de les transporter du forum républicain dans le forum impérial et d’éviter ainsi les souvenirs de liberté que le premier aurait pu réveiller. Il avait placé la les statues des généraux célèbres et avait eu soin d’y mettre tous les ancêtres de la famille Julia, sans oublier même son fabuleux aïeul Romulus, à qui il aimait à se rattacher pour donner à son pouvoir nouveau un air de légitimité. L’enceinte de ce forum subsiste en grande partie ; c’est un grand mur bâti à la manière étrusque. Il est curieux de voir ce système antique de construction, usité sous les rois, reparaître sous le premier empereur. Peut-être se complaisait-il dans ce retour aux origines royales de Rome, ainsi qu’il se plaisait au souvenir de Romulus ; peut-être était-ce une simple fantaisie archaïque, comme lorsque nous faisons du gothique au XIXe siècle. Ce mur offre une particularité plus remarquable ; il a une direction oblique, et l’enceinte dont il faisait partie présente, dans ce qui en a été conservé, une configuration manifestement irrégulière. Cette déviation, cette irrégularité du mur d’enceinte du forum d’Auguste mettent pour ainsi dire devant nos yeux le trait principal du caractère et de la conduite de cet empereur : la dissimulation du souverain pouvoir, l’affectation du respect des droits privés, quand le pouvoir était réellement sans limites, quand tous les droits publics avaient été violés.

Pour construire son forum, Auguste avait acheté des propriétés particulières, comme il a soin de nous l’apprendre dans l’inscription d’Ancyre ; mais il fit plus, et ne voulut pas enlever aux propriétaires