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du cadavre sanglant de César, ce discours qui avait tourné les esprits flottans contre les meurtriers du dictateur et ouvert à Octave, le chemin de l’empire. Auguste, se servant de l’heroon de César comme d’une chapelle de famille, y fit exposer le corps de sa sœur Octavie quand il prononça son éloge.

Passons des monumens érigés à la mémoire de César par son neveu à ceux qu’il construisit pour lui-même : nous y découvrirons les ruses de son caractère et l’hypocrisie de sa politique. Cette politique eut toujours pour objet de déguiser le pouvoir absolu sous des semblans de simplicité modeste. Ainsi Auguste ne se fit point bâtir un palais : il eut, il faut le reconnaître, le bon goût d’éviter les airs de parvenu, et s’il usurpa la souveraine puissance, il n’en étala jamais le faste.

Il alla habiter sur le Palatin, ou il était né, une maison qui avait appartenu à l’orateur Hortensius ; il s’arrondit en acquérant celle de Catilina. Le Palatin était le beau quartier de Rome, le quartier sénatorial et consulaire. Les maisons des hommes les plus considérables semblent avoir été placées en général du côté qui regardait le Forum. De là on jouissait de l’admirable point de vue que devaient former les monumens dont il était orné, et que terminait si bien le Capitole, auquel étaient adossées les belles arcades du Tabularium ; on peut juger de l’effet que ces arcades devaient produire par la seule qu’on ait dégagée. Au-dessus s’élevait la double cime du mont Capitolin, à gauche la citadelle, à droite le grand temple de Jupiter, où l’on conduisait les triomphateurs, le point le plus orgueilleux de la terre. C’est là ce que voyaient de leur fenêtre les Scaurus, les Catulus, Lucullus, Cicéron. Ce grand spectacle dut soutenir parfois l’âme un peu vacillante de celui-ci, et l’aider à s’élever des petits calculs de vanité qui la dominèrent trop souvent aux grands élans de patriotisme et de courage qui sont l’honneur de sa vie dans ses luttes intrépides contre deux scélérats, Catilina et Antoine.

La maison qu’Auguste avait choisie pour sa demeure n’était pas si bien placée, elle était dans une partie assez reculée du Palatin ; on ne pouvait la voir du Forum ; elle devait être cachée par les maisons plus apparentes et perdue dans la région la moins brillante du beau quartier. Cette maison était petite et peu ornée, les portiques qui l’accompagnaient, peu étendus., Les colonnes de ces portiques n’étaient point en marbre, bien que l’usage du marbre fût déjà assez répandu, ni en travertin, cette pierre calcaire, que l’on voit, dans le Tabularium et ailleurs, précéder le marbre comme pierre d’ornement, mais en grossier peperino, ce composé volcanique noirâtre et rugueux, d’un aspect sévère, dont l’usage remontait aux premiers temps, et qui avait servi à bâtir tous les temples de la république. Jusque dans le choix de sa maison et des matériaux dont elle était