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Les trois colonnes du péristyle qui subsistent sont au nombre des merveilles architecturales de Rome. Il y a une vingtaine d’années, elles portaient le clocher d’une petite église. On l’a abattu ; je le regrette : c’était un reste du moyen âge, qui montrait comment alors on s’était servi des monumens antiques pour les approprier à des usages modernes, et de plus un symbole historique de cette révolution qui, à Rome, a placé l’église sur le temple et a fait de l’empire des césars le piédestal de la souveraineté des papes. Les admirables débris du temple élevé à la vengeance de la mort de César rappellent malheureusement toutes les barbaries dont cette vengeance fut le prétexte. « On condamna, dit Dion Cassius, qu’on ne saurait accuser d’hostilité à la mémoire d’Auguste, on condamna les absens, non-seulement ceux qui avaient frappé César et leurs complices, mais beaucoup d’autres qui, loin d’avoir trempé dans la conjuration, n’étaient pas même à Rome dans ce temps-là. À ceux qui étaient condamnés on interdisait l’eau et le feu, leurs biens étaient vendus à l’encan, et toutes les charges, non-seulement celles qui étaient entre leurs mains, mais les autres encore, étaient données aux amis de César (Octave). Ceux qui accusèrent les meurtriers de César furent nombreux, les uns poussés par leur zèle pour son fils, les autres par d’autres motifs, car ils recevaient en prix de leurs accusations les biens et les emplois des condamnés, et l’exemption du service militaire pour eux, leurs fils et leurs petits-fils. La plupart des juges condamnèrent les accusés pour plaire à César (Octave) ou par crainte de lui, trouvant quelque prétexte à leur fausseté, les uns dans la loi qui venait d’être portée (par Octave lui-même), les autres justifiant leur sentiment par les armes de César. »

Voilà ce que produisit cette vengeance filiale que le temple de Mars Ultor était destiné à immortaliser. Cela me gâte un peu la vengeance et presque le temple. Il faut ajouter un trait à cette histoire. Après la prise de Pérouse, Octave fit égorger devant l’autel de César trois cents victimes humaines. Voltaire a donc eu raison de dire : « Il n’y eut aucun genre d’atrocité dont les prétendus vengeurs de la mort de César ne souillassent leur usurpation. »

La piété d’Auguste pour la mémoire de César, piété qu’on peut trouver quelque peu intéressée, lui fit élever un autre monument à cette mémoire dont il était bien aise d’hériter. Outre le grand temple de Mars Vengeur, dont nous admirons encore les superbes restes, Auguste, étant triumvir, avait consacré à César un petit temple semblable à ceux que les Grecs dédiaient aux héros, et qu’ils appelaient un heroon. Auguste voulait l’apothéose de César, afin d’en avoir un reflet. Ce temple dédié au héros César, et dont il ne reste rien, s’élevait dans un lieu bien choisi, à l’extrémité du Forum, près de la tribune aux harangues, dans laquelle Antoine avait prononcé, en présence