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France et l’Angleterre ont traversée en 1845. Elle était en pleine fièvre industrielle, rêvant partout l’établissement de crédits mobiliers, multipliant ses chemins de fer, mettant en valeur ses mines, et elle tentait tout cela avec un capital insuffisant, jetant d’une foi intrépide, à ceux qui s’inquiétaient des ressources avec lesquelles elle pourrait achever tout ce qu’elle commençait, ce mot magique : « Le capital étranger ! » La plupart des affaires nouvelles n’avaient demandé encore que de faibles versemens, et jouissaient de primes alléchantes avant d’être entrées dans la période d’exploitation. Quand l’époque des nouveaux versemens est arrivée, le capital national étant insuffisant, le capital étranger faisant défaut, il a fallu réaliser les valeurs ; la baisse est survenue, la demande du capital a été si pressante qu’à Hambourg, où quelques semaines auparavant un projet de banque recevait 3 milliards de souscriptions par signature, l’intérêt commercial s’est élevé à 9 pour 100. La crise allemande, réagissant sur notre situation par la hausse de l’intérêt dans toutes les banques d’outre-Rhin, par la baisse des valeurs sur toutes les bourses, ouvrant dans la réserve de la Banque de France une nouvelle issue momentanée à l’exportation du numéraire, a forcé notre Banque à prendre des mesures défensives. De là la panique qui a éclaté à la Bourse de Paris.

Une vue élevée et calme des choses permet d’espérer que si on laisse appliquer par la Banque les lois strictes du crédit commercial, et que si l’on ne complique pas la situation par des mesures arbitraires, cette panique ne sera point de longue durée. Si les affaires sont compromises en Allemagne, jamais l’état commercial de l’Angleterre n’a présenté un aspect plus régulier et plus prospère, et certes la situation commerciale du royaume-uni a une influence autrement puissante que celle de l’Allemagne sur les intérêts économiques du monde. L’Angleterre a été cette année plus favorisée que nous en matière de récoltes, et son commerce extérieur atteindra à des proportions fabuleuses. Les tableaux publiés pour les huit premiers mois permettent d’évaluer à près de trois milliards la valeur totale de ses exportations pour 1836. En donnant ce développement au travail industriel et aux entreprises commerciales, aux vrais instrumens de la richesse d’un peuple, elle s’est abstenue, depuis quelques années, de ces entreprises chanceuses de commandite où elle nous avait précédés. La sécurité commerciale de l’Angleterre nous garantit contre les dangers que des esprits exagérés voient surgir dans notre crise.

La prospérité actuelle de l’Angleterre se révèle également par la tranquillité politique dont elle jouit en ce moment. Des dîners de Crimée donnés tour à tour par les grandes villes du royaume-uni aux soldats de la dernière guerre, des discours prononcés dans des réunions agricoles ou dans des réunions électorales par les membres du parlement en villégiature, c’est tout ce qui défraie en ce moment la vie publique de l’autre côté de la Manche. Dans ces derniers jours, des discours intéressans ou spirituels ont été prononcés de la sorte par lord Stanley, sir James Graham, sir E. Bulwer Litton, M. C. W. Fox. Nous avons été surtout frappés de l’élévation avec laquelle lord Stanley a traité à Oldham la question de l’éducation du peuple. On comprend que dans un pays où de jeunes patriciens comme le fils de lord Derby s’appliquent avec cette consciencieuse ardeur à l’étude des intérêts