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soit fait quelque chose ; mais jusqu’à présent, nous le répétons, rien encore n’a été définitivement convenu entre les cabinets de Paris et de Londres.

Au point donc où en sont les choses, il serait possible encore au roi de Naples d’effacer, sans un trop pénible sacrifice d’amour-propre, les fâcheuses impressions que ses dernières notes ont causées aux puissances occidentales. Nous n’avons point à examiner ici l’origine du conflit moral qui menace d’avoir bientôt de si regrettables conséquences ; nous croyons que l’amour-propre du roi de Naples s’est trouvé engagé par une série de circonstances indépendantes de sa volonté. Nous avouerons qu’il y a eu dans cette affaire bien des contre-temps et des méprises dont ce souverain n’est point responsable, nous admettons les ménagemens qui sont dus par les forts aux droits des faibles ; mais après avoir fait aux apologies, aux récriminations et aux protestations du roi de Naples la part aussi large qu’on le voudra, il nous semble qu’il y aurait à lui plus d’opiniâtreté que de vraie noblesse, plus d’imprudence que de courage à pousser les deux plus puissans gouvernemens de l’Europe, engagés comme ils le sont, à d’embarrassantes extrémités. L’intérêt qui s’attache aux faibles est sans doute bien légitime, mais il n’est point sage d’en abuser, et il serait coupable de l’exploiter dans le dessein de placer de puissans contradicteurs dans de fausses positions. Il est impossible qu’entre les conseils adressés par la France et l’Angleterre au roi de Naples et les motifs donnés par ce souverain à ses refus, il n’y ait pas quelque point intermédiaire sur lequel l’honneur des grandes puissances et la dignité du roi se doivent rencontrer et accorder. Si le roi de Naples ne va pas jusqu’à ce point, la responsabilité des conséquences retombera sur lui. On le représente tour à tour comme alarmé ou rassuré sur cette responsabilité. « Si, disent quelques-uns de ses amis, la flotte anglo-française vient dans le golfe de Naples pour exercer une action militaire, ce sera la guerre, et l’on en verra les suites ; si elle ne vient remplir qu’une mission diplomatique, elle aura la confusion d’assister à une insurrection provoquée par sa présence et écrasée devant elle par le roi de Naples. » De pareilles rodomontades seraient peu faites, on en conviendra, pour rallier des sympathies sérieuses, et nous ne partagerions pas la sécurité du roi de Naples, si, évoquant de telles perspectives, il aimait mieux les braver que les conjurer.

Malheureusement les faits les plus récens ne sont point de nature à transformer en espérances les vœux que nous formons pour une bonne solution de l’affaire napolitaine. Si une puissance en Europe est intéressée à modérer les conseils du roi de Naples, c’est bien l’Autriche ; si une puissance doit avoir du crédit sur ce souverain, c’est encore l’Autriche ; si une puissance enfin parait propre à ménager entre les cabinets occidentaux et le gouvernement napolitain une réconciliation acceptable pour les deux parties, c’est toujours et par excellence l’Autriche. Cependant, malgré toutes ces conditions d’intérêt, d’influence et de convenance qui se réunissent en elle, l’Autriche n’a rien obtenu à Naples ; c’est du moins ce qu’elle a déclaré aux cabinets de Paris et de Londres, en avouant un insuccès si extraordinaire, qu’il est peut-être permis de se demander si elle a réellement voulu à Naples tout ce qu’elle y pouvait. Il ne nous appartient pas d’éclaircir ce doute ; mais s’il est vrai que le roi de Naples ait opposé aux conseils de Vienne une résistance invincible, n’est-il pas à craindre qu’un renfort moral, tel que celui que le