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sance ecclésiastique, et que, lors même que le pape les en dispenserait, ils s’engagent à l’observer.

Autre chose curieuse, Rome n’est pas pour eux seulement le siége de l’église, elle est l’héritière de l’antique cité souveraine, elle est l’auguste cité commune, communis alma urbs. Dans une pièce diplomatique du xiiie siècle, il est dit que le peuple de Pérouse ne peut refuser une collecte imposée à la communauté que pour quatre raisons : l’une de ces raisons est le service du peuple romain, mis sur la même ligne que le service du pape et celui de l’empereur.

Pérouse était guelfe, car les empereurs avaient fait moins pour elle que les papes ; elle n’en montra pas moins parfois à ceux-ci cette fière humeur d’indépendance qui est l’âme de ces temps orageux et libres. Lorsqu’un cardinal voulait entrer dans la ville, il devait promettre solennellement qu’il n’attenterait en rien aux libertés municipales de Pérouse, et un jour on délibéra en conseil public si l’on n’exigerait pas cette promesse du pape Urbain VI avant de lui laisser mettre le pied dans la ville. Comme plusieurs autres communes italiennes, Pérouse eut souvent à combattre les prétentions du clergé et à plier ses priviléges sous la loi civile. En 1389, les prieurs firent défense à qui que ce fût, religieux ou séculier, de recevoir en maison ou en église un meurtrier fugitif sous peine d’une amende de 100 florins. On trouve donc à Pérouse, au xive siècle, l’interdiction de l’asile ecclésiastique, qui n’est pas encore entièrement aboli dans les États-Romains.

Un autre volume contient d’autres chroniques sur Pérouse : une d’elles est de César Bontempi, homme très religieux et qui dans son récit ramène et reporte tout à Dieu. Cela ne l’empêche pas de dire, en parlant du sac de Rome par le connétable de Bourbon : « L’opinion commune est que ça été un jugement de Dieu pour châtier les prêtres, qui étaient intolérables et pleins de tous les vices qu’on peut imaginer. » Ce Bontempi est du reste un brave homme qui donne en général raison à tout le monde, et qui, après avoir conseillé la guerre contre Paul III, alla à Rome demander pardon de ce qu’on avait suivi son propre avis. M. Fabretti, qui remarque ces choses, dit avec raison : « Bontempi était ému des injustices, puis s’y soumettait par crainte du pire. » Lâche pratique trop usitée depuis, et qui ne réussit pas toujours !

Ces chroniques nous montrent Pérouse dans sa grande lutte avec Paul III, dans cette guerre du sel, comme on l’appela, où les citoyens luttèrent pour une cause juste contre l’avidité du pape et l’ambition des Farnèse : ce fut la dernière explosion de l’héroïsme municipal. Le temps des résistances locales était passé. Charles-Quint, qui avait mis Rome à sac, mais qui n’aimait la liberté nulle part, conseilla pieusement aux citoyens de Pérouse de se soumettre au pape. Mal-