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de la civilisation, ne présente aucune chance de succès, et les Américains eux-mêmes l’ont compris. Les Japonais éviteront d’ailleurs tous les cas de guerre, et tâcheront toujours, à force de politesse et d’adresse, de garder au moins le bon droit de leur côté.

En étudiant de près les mœurs, les institutions, les lois des Japonais, on finit par se demander si leur civilisation, parfaitement appropriée à leur pays, a quelque chose à envier à la nôtre, ou à celle des États-Unis. L’instruction est généralement répandue dans toutes les classes de la société, les lois sont respectées, gratuitement appliquées, et, par un heureux mécanisme, elles imposent à la richesse une circulation obligée et incessante dans toutes les parties du territoire. Des établissemens nombreux pour les indigens et les infirmes, des greniers d’abondance toujours pourvus, la disette impossible, l’absence d’impôts, la liberté pour le peuple, des obligations sérieuses pour les grands et proportionnées à leur rang et à leur fortune, enfin tout ce que deux siècles de paix et de prospérité intérieure a pu procurer à un peuple uniquement occupé de lui-même et exempt de ces influences étrangères qui règlent trop souvent la politique des empires, ce sont là pour les Japonais autant d’élémens de bonheur et de bien-être que leurs prétendus civilisateurs auront de la peine à perfectionner.

L’usage de l’opium est tout à fait inconnu chez les Japonais, qui, sous ce rapport comme sous presque tous les autres, diffèrent entièrement des Chinois, dont ils n’ont ni les mœurs, ni les idées, ni les vices honteux.

Quant au récent traité des Américains avec le Japon, je crois qu’il est impossible d’en bien juger la portée. C’est un assemblage d’articles incohérens se contredisant les uns les autres, et qui sont d’ail leurs en opposition évidente avec les institutions et toutes les lois des Japonais, ce qui autorise quelques doutes sur l’authenticité du document. La formule même de la date, qui est de l’an de N. S. J.-C. 1854, n’aurait certainement pas été signée ainsi par les commissaires de l’empereur. Si les Américains n’ont eu en vue que d’établir au Japon des points de ravitaillement et de refuge pour leurs navires, leur but pourra être atteint, et les ports de Simoda et de Hakodadi, qui leur sont concédés, sont encore les meilleurs pour cela. S’ils ont au contraire sérieusement songé au commerce, ils doivent être détrompés à l’heure qu’il est, et le silence qui règne sur toute cette affaire depuis leur traité en est un signe certain. Leurs succès font ordinairement plus de bruit.

En revanche, le traité conclu le 14 octobre 1854 entre l’Angleterre et le Japon porte un caractère d’authenticité qui mérite toute con fiance ; il dit :