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japonais ; elles pourraient l’entretenir des relations de cabotage et de courte traversée.

La navigation à vapeur entre San-Francisco et la Chine, en se développant, donnerait peut-être quelque valeur au port de Simoda pour le ravitaillement des navires. Toutefois ce port, placé à trois ou quatre journées de vapeur des côtes de Chine, presque au terme du voyage, n’aurait pas toute l’importance qu’on lui attribue. De plus, le traité américain reconnaissant aux autorités japonaises le privilège exclusif de toutes les fournitures et le droit d’en fixer les tarifs[1], il est à craindre que le prix des denrées n’y soit fort élevé.

En général les nations cherchent à attirer chez elles par de bonnes conditions le commerce étranger ; le Japon fera tout le contraire et n’accordera que ce qu’il ne pourra pas rigoureusement refuser. Sa politique est un lourd fardeau à soulever ; quand on croit l’avoir quelque peu haussé d’un côté, il retombe de l’autre ; on trouve toujours devant soi un enchevêtrement d’obstacles et de difficultés qui finit par lasser les plus opiniâtres. À tout ce qui ne leur convient pas, les Japonais font cette irrévocable objection : Cela ne se peut pas, et tout est dit. Ils n’acceptent aucune discussion et ne se rendent à aucun raisonnement. Ils les écoutent avec politesse et patience, il est vrai, mais ils n’y répondent que par un sourire plein de bienveillance et d’incrédulité.

On a souvent répété que le mouvement qui se porte avec une activité toujours croissante vers l’Australie et le percement de l’isthme de Panama, qui rapprochera les distances, ne permettront plus au Japon de conserver son système exclusif. Il suffit pourtant de jeter les yeux sur une carte pour voir que les navires venant d’Europe, des États-Unis et de tous les points importans de l’Inde, y compris même la Chine, et se dirigeant vers l’Australie, laisseront le Japon à une très grande distance au nord et ne s’en approcheront que pour des motifs exceptionnels. San-Francisco et Sidney sont à plus de deux mille lieues du Japon, Washington à plus de trois mille par la route de Panama. Ces distances sont bien considérables pour lier des affaires d’une importance secondaire.

Le cuivre du Japon pourrait sans doute alimenter de riches retours, si l’exportation en était tolérée dans de larges proportions ; mais l’on peut avancer avec certitude aujourd’hui que cette exportation sera très limitée, et ne sera même accordée qu’à certaines nations privilégiées. Or la question des cuivres est la plus importante et sans contredit le seul pivot sur lequel tourne tout le commerce actuel.

L’emploi de la force et de la violence, comme dernier argument

  1. Articles 2 et 3 du traité japonais-américain.