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à ceux de Tite-Live, et que le chroniqueur italien dit avoir été transmis par une ancienne renommée. Florence et Pise continuent à se faire une guerre acharnée, comme Athènes et Lacédémone. Tandis que chacune de ces républiques est divisée par ses factions intérieures, les inondations et les maladies contagieuses alternent avec les guerres civiles. Une fois entre autres Pise perdit par la contagion trente mille personnes en trois mois. L’annaliste pisan reproche souvent aux historiens florentins d’avoir altéré la vérité des faits. Il est certain que ceux-ci, étant plus nombreux et plus célèbres, ont besoin d’être corrigés par les narrateurs du camp opposé, qui nous donnent ce que demandait La Fontaine, l’histoire des hommes écrite par les lions. Dans les dernières lignes, l’auteur consigne la défaite suprême des Pisans, et il ajoute, avec un sentiment assez profond de cette défaite de la patrie pisane, dont il est l’historien : « Les Pisans supportèrent cette servitude jusqu’à ce que Charles VIII, roi de France, descendît en Italie. Et, favorisés par lui, de l’année 1494 jusqu’à 1509, s’étant affranchis, ils supportèrent un très violent assaut et fréquemment remportèrent la victoire sur leurs ennemis ; mais enfin, abandonnés de tous les potentats de l’Italie et du dehors, après cette généreuse résistance, ils retombèrent sous le joug des Florentins. »

On a donné place, dans les Archives historiques, à un ouvrage écrit de notre temps, au Sommaire de l’Histoire de Lucques, par Tommasi, mort il y a dix ans, ouvrage fait d’après des documens officiels dont un certain nombre a été publié à la suite du Sommaire de Tommasi. La république lucquoise a son histoire comme Pise, Sienne et Florence. Son rôle, qui finit par être moindre que celui de ses rivales, commença par être aussi considérable, alors qu’elle faisait graver sur son sceau ces orgueilleuses paroles : Luca potens sternit sibi quæ contraria cernit. L’histoire de Lucques présente toutes les phases ordinaires de la vie municipale italienne au moyen âge, lutte entre les nobles et le peuple, asservissement sous un tyran, délivrance momentanée, assujettissement par une république voisine et plus puissante. On y voit, on y suit avec intérêt, comme dans les autres histoires communales de l’Italie, la liberté populaire cherchant à se faire jour à travers toutes les puissances qui l’entourent et toutes les violences qui la compriment, tendant tour à tour la main à l’église ou à l’empire, selon qu’elle espère plus de l’une ou de l’autre, et ici opposant à la corporation militaire que forment les chevaliers des associations plébéiennes, des fantassins armés, Società di Concordia de’pedoni’delta città… Società delle Armi del Popolo, gardes bourgeoises, et, si l’on veut, gardes nationales du xiiie siècle, sur lesquelles les Archives ont publié plusieurs renseignemens pleins d’intérêt. Elles ont donné aussi de curieux arrêtés