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de la valeur réelle qu’il a dans le pays. Le froment est considéré comme très secondaire dans l’alimentation des Japonais, qui ne l’emploient guère que pour la pâtisserie, dont ils se montrent, il est vrai, très friands. Le pain est inconnu au Japon ; Nagasaki ne possède qu’une seule boulangerie, qui travaille uniquement pour la factorerie Hollandaise. Le beau froment vaut de 10 à 11 fr. les 60 kil. ; mais, pour en obtenir de grandes quantités, il faudrait les commander un an à l’avance. L’exportation n’en est pas défendue.

Le tabac du Japon, quoique un peu fade, pourrait peut-être fournir quelques retours ; c’est une expérience qui n’a pas encore été faite sur une grande échelle. Le fer est très cher, il atteint presque le prix du cuivre ; par contre, l’acier est abondant et d’une qualité excellente, ce qui explique la supériorité des armes blanches au Japon. Le plomb manque presque totalement, mais on trouve l’étain en abondance » Le goudron, le lin et le chanvre ont été essayés comme moyens de retour, mais sans succès.

Les importations, conduites avec l’habileté pratique que l’expérience de ce commerce peut seule donner, offrent incontestablement des avantages aux Hollandais dans les conditions privilégiées dont ils jouissent. Ils sont les maîtres du marché japonais, et ils le sont aussi de tous les autres pour ce qui regarde les produits du Japon. Remarquons toutefois que ces mêmes produits perdent tous les jours de leur valeur à mesure qu’ils deviennent moins rares, ce qui permet presque de douter que le Japon puisse jamais alimenter les retours d’un grand commerce. Des essais personnels, faits en Allemagne, en Belgique, aux États-Unis, en Hollande, dans les principales villes de l’Inde, enfin à Paris, ont à peu près fixé mon opinion à cet égard.

Le commerce des Chinois au Japon se trouvant à peu près régi par les mêmes règles que celui des Hollandais, je n’ai pas cru de voir m’en occuper d’une manière spéciale. Il n’y a d’ailleurs rien à attendre pour nous de ce côté-là. Quand M. le commandant américain Biddle, après ses infructueuses démarches faites au Japon en 1846, écrivait à l’honorable M. Bancroft, secrétaire de la marine à Washington, « qu’il venait de découvrir que les Chinois apportaient des cotons américains au Japon, et que c’était un article dont on pourrait écouler au Japon de très grandes quantités, » il ne réfléchissait pas que les Chinois sont limités pour leurs retours par une quantité de cuivre déterminée, dont le maximum est de 12,000 quint, par an. La masse des cotons importés serait donc toujours restreinte, en admettant même, par impossible, que les Chinois, qui trouvent sur leurs marchés des cotons de tous les pays à vil prix[1], voulussent se faire les commissionnaires honnêtes des

  1. Ceux qui connaissent les marchés de l’Inde savent qu’on y vend souvent des parties considérables de cotons étrangers à 30 et 40 pour 100 au-dessous des prix de fabrique.