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retours de ce genre également considérables ? Il ne faut pas se dissimuler que l’exportation de l’or et de l’argent, sauf quelques cas exceptionnels et fort rares[1], restera interdite, et que celle du cuivre, même avec un changement de système, me sera jamais accordée que dans des proportions très restreintes.

Que reste-t-il pour justifier les grandes espérances que l’on fonde sur ce commerce ? Rien n’égale en effet, sur cette question, les exagérations des journaux américains, si ce n’est leur profonde ignorance. Comme grands objets de retour, ils font figurer les soies écrues, qui sont au contraire apportées de la Chine au Japon[2]. Ils parlent des charbons de terre, mais ces charbons sont d’une trop petite va leur relativement à leur volume pour représenter le montant des marchandises que chaque navire pourrait l’apporter. Le thé ne peut en aucune manière lutter avec celui de Chine, et il se vend incomparablement plus cher ; les Japonais ignorent même encore la préparation du thé noir et ne font que du thé vert. Le camphre brut, en admettant qu’il passât de la première catégorie au cambang ou commerce libre, vaudrait au moins de 98 à 100 fr. les 60 kilog. au Japon même. C’est un article qui exige de grandes précautions d’emballage, et qui, perdant rapidement par une volatilisation inévitable une partie de son poids, a besoin d’un prompt écoulement. Il ne peut jamais figurer que comme moyen accessoire.

Il ne faut pas perdre de vue que le Japon n’est pas un pays tropical, et qu’il n’a par conséquent aucun des grands produits de l’Inde, tels que le sucre, le café, l’indigo, le poivre, etc. Sa position géographique, qui est celle de nos beaux climats d’Europe, ne peut donner que des produits de même nature, et la grande dis tance ne permet pas de les apporter avantageusement sur nos marchés. En outre, l’étendue du pays est petite relativement à sa population[3], et la terre ne produit pas beaucoup au-delà des besoins de la consommation. C’est pour cette raison sans doute que l’exportation du riz est défendue, sauf la quantité nécessaire aux approvisionnemens des navires et de la factorerie, ou à quelque emploi passager.

Le riz est la principale culture du pays et sert généralement à la nourriture de tous les habitans. Les étrangers le paient environ 15 fr. les 60 kil., ce qui est au moins de 40 à 50 pour 100 au-dessus

  1. Des commandes de munitions ou de matériel de guerre faites à l’étranger par le gouvernement japonais pourraient se trouver dans ce cas.
  2. Quoique la culture du initier ait fait de grands progrès au Japon dans les derniers temps, elle ne permet pas encore de se passer des soies écrues que les Chinois l’apportent.
  3. On peut, je crois, porter la population du Japon à 35 ou 38 millions d’habitans.