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On n’a pas oublié au Japon un incident qui expliquait très clairement l’utilité de cette mesure : c’est l’étonnement que causa à Nagasaki la vue d’un capitaine hollandais assez maigre ; on était accoutumé à ne voir que des hommes d’une corpulence excessive, laquelle venait en réalité d’un ventre postiche rempli de contrebande. Les chefs eux-mêmes non-seulement toléraient ces prodigieux embonpoints, mais encore en partageaient les profits.

Dans cette même année 1775, la chambre du trésor, contrairement aux conventions faites en 1744, annonça qu’elle fixerait à l’avenir le prix des marchandises d’après leur qualité. Cette mesure fit tellement baisser les cours, qu’en 1779 la compagnie des Indes éprouva de véritables pertes. L’excellent choix qu’elle fit cette année-là de M. Titsingh comme chef de la factorerie releva en partie ce commerce déchu. M. Titsingh pensa que le renvoi de quelques na vires sans déchargement arrêterait peut-être les tendances trop despotiques des Japonais. En 1782, la guerre qui venait d’éclater entre l’Angleterre et la Hollande empêcha l’expédition ordinaire pour le Japon. Les autorités de Nagasaki commencèrent à craindre que la compagnie des Indes n’eût abandonné Décima ; la consternation devint générale. Des prières publiques dans les temples, des aumônes extraordinaires répandues pour conjurer ce malheur, la ville entière de Nagasaki remplie de cris lamentables, des hommes, des femmes et des enfans courant les rues dans le plus grand désespoir, tout prouva l’importance que la population et les autorités attachaient à cet événement. Il fallait tirer parti de cette panique et imposer de bonnes conditions : on ne le fit pas résolument. M. Titsingh, gêné sans doute par ses instructions de Batavia, marchanda pour quelques quintaux de cuivre, et demanda quelques misères sur le prix des objets importés. Après un an d’attente, il n’obtint que de puériles concessions dont il ne vaut pas la peine de parler. Les Hollandais montrèrent dans cette occasion comme dans beaucoup d’autres une faiblesse et une timidité regrettables.

Indépendamment des cadeaux officiels, dont la factorerie devait annuellement faire hommage à l’empereur et aux grands de l’empire, l’usage commandait aussi d’en offrir aux régens et aux autorités de Nagasaki, sans doute pour se les rendre favorables dans toutes les affaires difficiles et importantes. L’expérience avait démontré l’inutilité et l’abus de ces cadeaux, et la factorerie en négociait depuis longtemps la suppression. Elle l’obtint en partie en 1790, mais l’opyerhoofd fut en même temps appelé chez le gouverneur pour recevoir