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discussions toutes les fois que, par des motifs inévitablement fréquens, il a été impossible de l’observer exactement. Le commerce particulier ou cambang fut excepté de cette règle et conserva son espèce d’indépendance, moyennant 35 pour 100 que prélevait et que prélève encore la chambre du trésor sur le produit brut des ventes publiques.

Tous ces règlemens sont restés en vigueur, ils servent toujours de base au commerce actuel.

Quant aux détails d’exécution, qui paraissent devoir être simples, ils sont au contraire compliqués à tel point que l’expérience seule pourrait donner une idée de ce laborieux mécanisme. Comme tout marche au Japon avec une régularité invariable, on conçoit que la moindre infraction aux règles du système commercial puisse en arrêter le mouvement tout court. Ce sont alors des allées et venues, des pourparlers sans fin, des écritures et des combinaisons incroyables pour remettre d’aplomb la forme et l’incident. L’oubli ou la violation même involontaire de ces formalités aurait pour les Japonais chargés de les maintenir les plus funestes conséquences. Aussi la présence d’un navire étranger, un naufrage à la côte, toute circonstance imprévue met les Japonais dans le plus grand embarras. Une tolérance ou une sévérité maladroite, une réponse indiscrète, une chose donnée ou reçue sans autorisation, la possession du moindre objet prohibé, ou dont on ne pourrait pas au besoin retrouver la filière d’origine jusqu’à la direction commerciale de Nagasaki, entraînerait pour eux la mort. Les condamnations capitales pour tout autre motif ont besoin de la sanction impériale, mais dans les cas particuliers qui pourraient avoir un caractère de contrebande ou de relations avec les étrangers, l’exécution est immédiate[1].

Les années 1769 à 1772 virent naître de grandes difficultés avec la chambre du trésor, qui se plaignait des assortimens défectueux et des mauvaises marchandises de la compagnie. En 1772, la factorerie recueillit un de ses vaisseaux que la tempête avait jeté sur la côte et qui était abandonné. Elle en vendit la cargaison fort avariée ; au déchargement, les Japonais remarquèrent que beaucoup de caisses avaient été ouvertes et vidées, et l’on pensa, non sans raison, que les marchandises en avaient été enlevées et introduites en contrebande par les Hollandais. Ceux-ci cherchèrent à éloigner les soupçons qui pesaient sur eux, mais ils ne purent éviter le décret qui parut en 1775, et qui ordonna qu’à l’avenir tous les membres de la factorerie, sans en excepter le chef, ainsi que les employés japonais, seraient soumis à la visite à l’entrée et à la sortie de Décima[2].

  1. Décret impérial de 1637 toujours en vigueur.
  2. Une ordonnance de 1787 affranchit le chef seulement de cette visite ; mais le traité de 1855 exempte aujourd’hui tous les membres de la factorerie de cette obligation humiliante.