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par respect pour sa parole impériale, il limita à 2 millions de francs la valeur annuelle de toutes les importations au Japon.

Cette mesure, en réduisant à ce point les affaires, permettait aux Japonais de les mieux surveiller, et porta un coup fatal aux Hollandais, qui commencèrent même à regretter le commerce taxé, dont les opérations roulaient du moins sur une grande échelle. La taxe leur procurait de forts retours d’or et de cuivre que la limite des 2 millions de francs diminuait considérablement. Encore fallait-il déduire de cette somme environ 160,000 francs, affectés aux opérations particulières des employés de la factorerie, des capitaines des navires et de leurs équipages, et qu’on appela commerce particulier ou cambang.

Un abus, qui n’avait été d’abord qu’une tolérance, avait fini par devenir pour les Japonais un droit si bien établi, que rien n’a réussi à le faire disparaître : je veux parler de ce qu’à Décima on appelle ligting, mot qu’on ne peut traduire intelligiblement en français que par choix ou droit d’enlever ce que l’on choisit. Le gouverneur, les interprètes, en un mot tous les employés japonais, du plus grand au plus petit, pouvaient choisir à leur convenance et s’approprier, au prix de la vente en gros, une quantité de chaque espèce de marchandise qui variait selon l’importance de leur charge. Ils prenaient les premières qualités de tous les assortimens, et le négociant qui voulait acheter toute la partie, voyant enlever d’avance ce qu’elle contenait de plus précieux, offrait naturellement des prix moins élevés. Malgré les réclamations réitérées de la compagnie des Indes, cet usage existe encore aujourd’hui.

De leur côté, les autorités de Nagasaki, ayant beaucoup perdu par la suppression de la taxe, la remplacèrent par des droits fort élevés sur la vente des marchandises. Ces droits, prélevés sur les acheteurs, faisaient baisser la valeur des denrées dans la même proportion, et pesaient également sur les intérêts de la factorerie. Ainsi gênés dans leurs opérations légitimes, les Hollandais cherchèrent trop souvent une compensation dans la contrebande. Ni le châtiment désastreux infligé en 1685, ni les exécutions capitales[1], ne purent arrêter l’essor des spéculations illicites. Indépendamment de leurs riches cargaisons de cuivre, les Hollandais exportaient encore du Japon de grandes quantités de cobangs d’or qu’ils recevaient au prix de 25 à 30 francs la pièce. Les Japonais, instruits des grands bénéfices qu’ils en tiraient, imaginèrent d’en créer une nouvelle espèce qu’ils désignèrent sous le titre de n° 2, et qui perdait au moins 25 pour 100

  1. Kaempfer porte ces exécutions à plus de cinquante pendant son séjour de deux ans au Japon ; mais dans ce nombre se trouvent certainement compris pour une forte part les délits de la factorerie chinoise, qui en a toujours commis beaucoup.