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de démolir sans exception toutes celles de vos maisons qui portent une date chrétienne, en commençant par la dernière construite, et ainsi de suite… Le surplus, auquel vous aurez à vous référer, vous sera signifié plus tard par les régens de Férando. »


Après la lecture d’un pareil ordre, il semblait qu’il n’y eût pas de surplus à attendre ; pourtant les Hollandais étaient loin de toucher au terme de leurs épreuves et de leur patience. Leurs édifices furent démolis, entre autres un magnifique magasin, récemment construit et portant sur sa façade la date fatale de 1640. Cet acte de soumission n’arrêta pas les exigences des Japonais. En 1641, ordre fut donné aux Hollandais de déplacer toute la factorerie et de la transporter à Décima, la dernière demeure des Portugais ; L’ordonnance portait que « dorénavant le port de Nagasaki seul serait ouvert aux Hollandais, que l’empereur se souciait fort peu du commerce étranger, et que s’il le tolérait encore, c’était par une particulière et très grande condescendance. » Il était évident que l’empereur cherchait l’occasion d’une rupture définitive. D’après les idées japonaises, il ne pouvait de sa propre autorité annuler les privilèges accordés par ses prédécesseurs ; mais il comptait les annuler de fait, en plaçant la factorerie dans une position intolérable.

Le port de Nagasaki, fréquenté par les principaux négocians du pays, aurait été un marché préférable à celui de Férando, si la factorerie eût conservé l’indépendance de son commerce ; mais elle perdit entièrement cette indépendance. Les autorités de Nagasaki et les interprètes se firent dans toutes les affaires les intermédiaires obligés et arbitraires des Hollandais et des Japonais, et rivalisèrent de ruse, de fourberie et d’intrigue pour tirer de leur intervention les bénéfices personnels les plus considérables. Pour mieux atteindre ce but, on introduisit de nouveaux règlemens qui, d’une part, interdirent aux Hollandais la réexportation de leurs marchandises, et de l’autre en exigèrent la vente immédiate au moment du débarquement. Cependant les grands profits que les Hollandais retiraient, depuis l’expulsion des Portugais, d’un commerce dont ils étaient dorénavant les maîtres, leur firent supporter patiemment ces vexations, et l’année 1641, qu’ils venaient de traverser si péniblement, laissa encore un retour de plus de 16 millions de francs à leurs navires. Ces retours consistaient presque exclusivement en or et en argent, car l’exportation du cuivre, qui avait été défendue en 1637, ne fut autorisée de nouveau qu’en 1646.

La compagnie des Indes avait d’abord cherché à fonder en Chine un établissement qui correspondît à celui de Férando. L’or du Japon, échangé au passage contre des marchandises de Chine, aurait pourvu fort avantageusement le grand comptoir de Batavia des denrées