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cette époque, les Portugais n’ont pas fait de nouvelle tentative. Les Hollandais restèrent seuls au Japon.


II

Le soulèvement religieux d’Arima et de Simabarra avait excité la colère de l’empereur contre tout ce qui avait quelque apparence de christianisme. Les Hollandais étaient ennemis des Portugais, ils n’étaient pas catholiques, ils ne s’étaient immiscés en rien aux désordres qui avaient troublé le pays ; cependant ils se virent tout à coup renfermés dans les fatales limites qu’ils n’ont pu franchir encore. Les édits de 1635 et de 1637 furent aggravés par de nouvelles ordonnances. Celles-ci non-seulement rappelaient la triste solidarité établie par une loi précédente sur des groupes de cinq, ou six maisons, et qui entraînait la mort de tous les habitans du groupe si dans l’une d’elles il se trouvait un seul chrétien, mais elles disaient textuellement : « Chaque individu, homme ou femme, pauvre ou riche, tout ce qui a vie humaine sans exception, dès qu’il est en âge de parler avec raison, doit fournir deux cautions qui affirment qu’il n’est pas chrétien, et qu’il appartient à l’un des cultes du Japon. Il doit faire certifier par un témoignage écrit quels sont ses prêtres et les temples de son adoration. Celui qui ne pourra pas produire un pareil témoignage doit succomber ou fuir, et comme cet ordre s’étend d’un bout de l’empire à l’autre, il coûtera la vie à beaucoup[1]. » Un semblable décret n’a pas besoin de commentaire, et l’on conçoit la profonde impression qu’il fit sur un peuple pour qui la loi est sacrée et inexorable.

Le 9 novembre 1640, un commissaire impérial arriva à Férando ; une visite minutieuse fut faite dans toutes les maisons de la factorerie, pour s’assurer si elles ne renfermaient pas quelques signes ou quelques ornemens catholiques. Après cela, on signifia aux Hollandais consternés le décret suivant :


« Sa majesté impériale est informée avec certitude que vous tous vous êtes chrétiens. Vous observez les dimanches, vous inscrivez sur le frontispice de vos maisons la date à compter de la naissance du Christ, à la vue de tout notre peuple ; vous avez les dix commandemens, la prière dominicale, la confession de foi, le baptême, la distribution du pain, la Bible, le Nouveau-Testament, Moïse, les prophètes et les apôtres. En somme, il nous paraît que la différence entre vous et les Portugais est petite. Il l’a longtemps que nous savons que vous êtes chrétiens, mais nous pensions que vous aviez un autre Christ. Sa majesté m’a donc chargé de vous ordonner

  1. Ce décret, on le comprend suffisamment, ne concernait pas les Hollandais.