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En efFet, cette histoire commence à Pélops, fils de Tantale, ce fabuleux fondateur de Pise. Elle raconte le non moins fabuleux voyage de saint Pierre sur la rive de l’Arno, et comment saint Clément, tandis qu’il célébrait à Rome la messe avec une grande dévotion, fut vu comme dormant, et, au bout de trois heures, ayant semblé revenir à lui-même, allégua pour excuse qu’il s’était trouvé dans la nécessité d’aller consacrer à Pise l’église de Saint-Pierre. Il ne faut pas s’arrêter à cela, ni à la confusion ordinaire d’Attila et de Totila, à une première et douteuse expédition des Pisans en Sardaigne, etc. Du reste, en avançant dans les Istorie pisane de Roncioni, la critique trouve toujours moins à rejeter. Arrivé à l’année 1063, l’auteur consacre (ce qui est bien d’un Italien du xvie siècle) une douzaine de pages à une description minutieuse de la cathédrale, et quelques autres à une description non moins détaillée du baptistère de Pise et du Campo-Santo. Le vieux gibellinisme pisan se trahit chez l’historien, qui, en racontant la résistance de la ligue lombarde à Frédéric Barberousse, prend parti pour celui-ci dans son récit, comme les Pisans du xiie siècle prirent effectivement les armes pour l’aider à soumettre les cités lombardes qui se soulevaient, comme ils mirent en mer une flotte pour l’aider à établir à Rome l’anti-pape Pascal. Triste exemple des divisions qui ont perdu l’Italie, et que les étrangers ont toujours eu soin d’exploiter à leur profit ! Du reste, Roncioni, même dans une histoire dédiée au troisième grand-duc de la famille Médicis, s’étend avec une certaine complaisance sur l’ancienne organisation de la république pisane. Il y a sur le Carroccio, ce palladium des cités italiennes du moyen âge, un passage curieux. « On couvrait ce char d’une tenture rouge, couleur primitive de Pise, et il était tiré par trois paires de bœufs très gros, couverts d’un drap de la même couleur. Au milieu était un mât portant une bannière rouge, avec la croix blanche, pareille à celles que l’on porte encore aujourd’hui dans les processions, et de ce mât pendaient certaines cordes tenues par des jeunes gens vigoureux. Au sommet était une cloche. Le Carroccio ne sortait que par un décret public du conseil général. Il avait pour le garder plus de quinze cents soldats armés de pied en cap, avec des hallebardes en bon état. Auprès se tenaient en outre tous les capitaines et officiers supérieurs de l’armée. Il était suivi de huit trompettes et de beaucoup de prêtres pour célébrer la messe et administrer les très saints sacremens. Le soin de ce char était confié à deux capitaines vaillans et de grande expérience dans les choses de la guerre ; là où il s’arrêtait, on administrait la justice, et on y tenait les délibérations militaires. Là venaient aussi s’abriter les blessés et se réfugiaient les soldats qui, fatigués d’un combat prolongé, ou accablés par la multitude et la valeur des ennemis, étaient forcés à la retraite. » L’auteur dit même qu’il a fait un dessin du