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L’HISTOIRE ET LES HISTORIENS DE L’ITALIE.

tiguerra, qui était vêtue de violet, et toutes celles qui la suivaient aussi, ayant son accoutrement en façon d’une nymphe, court et montrant le brodequin. La seconde était la signora Piccolomini, vêtue de satin incarnadin, et sa troupe de même livrée. La troisième était la signora Livia Fausta, vêtue toute de blanc, comme aussi sa suite, avec son enseigne blanche. Dans leurs enseignes, elles avaient de belles devises. Je voudrais avoir donné beaucoup et m’en ressouvenir. Ces trois escadrons étaient composés de trois mille dames gentils-femmes et bourgeoises ; leurs armes étaient des pics, des pelles, des hottes et des fascines, et en cet équipage firent leur montre (passèrent leur revue) et allèrent commencer les fortifications Elles avaient fait un chant à l’honneur de la France lorsqu’elles allaient à leurs fortifications. Je voudrais avoir donné le meilleur cheval que j’aie et l’avoir pour le mettre ici. »

Cet entrain de style, sans rien ôter au compte-rendu journalier de Sozzini de sa valeur historique, le fait paraître bien terne. C’est un rapport officiel à côté du récit plein de verve d’un soldat, et nous avons vu que pour être en style officiel le récit de Sozzini n’est pas toujours très exact : cependant officiel et exact sont synonymes.

Ce qui, dans l’Archivio, se rapporte à l’histoire de Pise a eu pour éditeur M. Bonaini, qui devait rendre un si grand service à cette histoire en publiant les Statuti Pisani. Un statuto se composait d’un ensemble de dispositions légales et constitutionnelles qui étaient la charte et le code des anciennes républiques italiennes, la formule juridique, comme dit M. Bonaini, que les gouvernans et le peuple juraient d’observer, et qui, comme l’ajoute le savant éditeur, n’était pas improvisée un beau jour, à la manière de nos codes et de nos constitutions modernes, mais ne contenait guère qu’une nouvelle rédaction des vieilles coutumes, reposant elles-mêmes sur la tradition des anciennes mœurs latines ravivées par la pratique du droit romain. On voit de quelle conséquence pour l’histoire civile et politique de l’Italie sont les Statuts de Pise, dont M. Bonaini a commencé et poursuit la publication.

C’est aussi M. Bonaini qui a été l’éditeur de l’histoire de Pise, écrite par Roncioni. Cet historien était aussi poète, et de plus amoureux. Dans des vers de lui, qui nous restent, il exprime la crainte que l’amour ne lui « laisse pas finir son histoire de Pise : »

Ch’amor non lassi a me finir la mia
Storia di Pisa.

L’amour ne fut pas si cruel, et l’histoire a été terminée. « Elle embrasse, dit M. Bonaini, tous les événemens heureux ou malheureux, extérieurs ou intérieurs, jusqu’à l’instant où s’éteignait la dernière étincelle de la liberté. »