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L’HISTOIRE ET LES HISTORIENS DE L’ITALIE.

une vieille inclination pour le roi de France, qu’augmentait beaucoup, dit Pitti, le commerce très avantageux qu’on faisait avec ce royaume. Léon X, qui penchait pour le jeune empereur Charles-Quint, meurt, et c’est le cardinal Médicis, destiné à être pape aussi sous le nom de Clément VII, qui conduit les affaires de Florence. Il est insinuant, adroit, plein de promesses, accueille les plans de réforme. Beaucoup s’y laissent prendre ou gagner ; mais d’autres sont moins traitables. Une conspiration contre le cardinal est découverte, et, comme celle des Pazzi, elle profite à celui contre lequel elle avait été dirigée. Bientôt Clément devient pape. Ici Pitti, qui n’est pas suspect de prévention en sa faveur, lui prête un désir sincère d’exécuter un plan, que l’historien attribue à Léon X, pour le rétablissement à Florence d’un gouvernement libre. Il peint Clément hésitant scomme c’était sa nature) entre la crainte de livrer le pouvoir à ses ennemis et un certain penchant à s’appuyer sur le parti populaire, base de la grandeur de sa famille. Clément VII sortir d’embarras en donnant pour souverain aux Florentins un bâtard de cette famille. Il n’y avait plus de descendans légitimes de Cosme. Ce bâtard est Alexandre, que Pitti affirme avoir été, ce qu’on ne dit pas en général, le propre fils de Clément.

Cependant Charles-Quint trompe le pape, qui croit le tromper, l’amuse, le désarme, et marche sur Rome. À l’approche de l’armée impériale, Florence se soulève. On s’écrie : « Nous ne voulons plus de grands ; le peuple et la liberté ! » Et quand l’armée de Bourbon a pris Rome, la révolution démocratique triomphe. Les jeunes Médicis Alexandre et Hippolyte sont emmenés de Florence, et on organise le gouvernement républicain. Ce fut alors que Nicolas Capponi, nommé gonfalonier, eut la singulière idée de faire proclamer Jésus-Christ roi de Florence, et qu’on alla dans l’église de l’Annunziata mettre en pièces les portraits des Médicis : puérile vengeance, qui indigna le peuple, dit Pitti, et dont avec raison il se moque lui-même. Il juge avec sévérité les partis qui divisaient la république renaissante. L’un s’appelait celui des aristocrates (ottimati), l’autre celui des libertins ou des enragés, « signe manifeste, dit-il, qu’on avait depuis quelque temps oublié le vrai nom des choses, puisque les plus véhémens défenseurs de la liberté s’appelaient des enragés, et ceux qui la trahissaient des aristocrates. »

Dans cette partie de l’histoire de Pitti, on assiste à des scènes qui r appellent les derniers temps de la république romaine. La liberté se débat de même à grand bruit, au milieu des factions, contre le despotisme, qui s’avance silencieusement pour l’étouffer. Il y a comme toujours les prudens qui sont timides, et les résolus qui sont emportés. Il y a ceux qui veulent s’entendre avec Clément VII, et,