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REVUE DES DEUX MONDES.

— C’est iVI"^ de Vitteaux ! reprit M"’ Sorbier d’un air majestueux.

— Cette M’"* de Vitteaux que nous avons rencontrée à Pise ?

— Elle-même. Elle a bien voulu l’accepter.

— Ah ! elle vous a fait cette grâce ! et c’est vous, madame, qui avez eu l’heureuse idée de lui offrir ce tableau ?

— C’est moi.

— Sans même me demander si cette offre me convenait, sans me prévenir ?

— Mais, mon ami, reprit Sophie, maman pensait que cela te ferait plaisir ; M""^ de Vitteaux a dit tant de bien de ce petit paysage, il lui plaisait tant... Toi-même, si tu avais été là...

— Mais, ma chère enfant, ce tableau ne m’appartenait plus, j’en avais disposé.

• i, ;i_ Yous l’aviez vendu ? s’écria M™’ Sorbier.

— Non pas vendu, mais donné.

— Et à qui ?

— A mon ami Philippe.

— Oh ! si c’est M. Duverney, dit Sophie, tu lui feras comprendre. . .

— Mais pas du tout ; il est beaucoup plus simple de dire à M*"* de Vitteaux...

— Oh ! pour cela jamais ! se hâta de répondre M™^ Sorbier.

— Et pourquoi donc ?

— Faire cette insulte à une si charmante femme, à une femme du monde, à la meilleure amie de Sophie !

— Sophie la connaît depuis trois mois à peine, cette chère amie !

— Gela veut-il dire qu’on ne saurait aimer ma fille qu’après dix ans ?

— Eh ! madame, il ne s’agit pas d’affection ici, reprit Maurice ; il s’agit de tableau.

Sophie comprit que la discussion courait sur un terrain glissant ; une fois encore elle se jeta entre sa mère et son mari,

— Eh bien ! mon ami, reprit-elle, si tu crois que M. Philippe tient à ce petit tableau, il faudra le refaire... -^ Voilà tout, les toiles ne manquent pas, ajouta M™** Sorbier, et vous ferez cela en quatre matinées.

— Vous croyez !

— Pardine, la belle affaire ! deux arbres et une cabane avec un petit polisson,... six pouces de couleur en tout ! Maurice, sentant que la colère lui montait à la tête, prit brusquement son chapeau et s’en alla sans répondre. Il avait fait ce tableau en Italie pendant qu’il était à Naples. Il se proposait de l’offrir à Philippe pour l’anniversaire de sa naissance, et pour lui rappeler une des époques les plus heureuses de leur vie. Sa mémoire, en