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détails. Callimaque respecte la beauté en négligeant la grandeur Il imite avec finesse, avec persévérance, tout ce qu’il aperçoit dans une figure gracieuse. En même temps qu’il flatte les sens, comme Polyclète, il excite la curiosité en abordant des problèmes que de daignait le ciseau de ses illustres devanciers. Démétrius, moins scrupuleux ou doué de facultés moins élevées, se fraie une autre voie dans le champ de l’imitation. Au lieu de s’appliquer à l’étude des figures gracieuses, il porte son attention sur la forme altérée par la vieillesse, appauvrie par la maladie, sur la laideur même. L’art se déprave entre ses mains, mais le goût public s’associe à cette dépravation, et Démétrius réussit par les moyens qui auraient dû le perdre et le condamner à l’obscurité. Malheureusement nous sommes obligé, pour Callimaque et Démétrius, de nous en tenir au témoignage des écrivains de l’antiquité ; nous n’avons pas sous les yeux les pièces du procès. Après la fin de l’autonomie grecque, nous trouvons trois statuaires dont les noms ne sont pas moins célèbres que ceux de Phidias et de Polyclète, Praxitèle, Scopas et Lysippe. Ils réveillent par leurs ouvrages le sentiment de la beauté, mais ils mettent dans leurs conceptions plus de raffinement que de franchise, plus d’élégance que de simplicité. Au témoignage des antiquaires, l’Apollon Pythien du Vatican serait une copie de l’Apollon de Scopas ; la Vénus de Médias, ouvrage de Cléomènes, reproduirait la Vénus de Praxitèle, et l’Athlète en sueur, trouvé récemment dans le lit du Tibre, conforme à la description donnée par Pline, serait l’œuvre de Lysippe. Or aucune de ces trois figures ne peut se comparer aux fragmens du Parthénon, je veux dire aux frontons. On admire l’habileté du ciseau, on n’est pas émut parce qu’on n’a pas devant soi l’expression d’une grandeur vraie. Enfin, après le partage de l’empire d’Alexandre, l’art grec prend un caractère théâtral dans l’école de Rhodes. Ce serait à cette école qu’appartiendrait le groupe du Laocoon.

Il y a dans cette courte esquisse un enseignement qui ne doit pas être perdu. Si la Grèce, qui l’emporte sur tous les pays du monde pour le sentiment et l’expression de la beauté, a vu s’amoindrir son excellence dans le domaine esthétique, à mesure qu’elle s’éloignait de l’idéal et qu’elle s’attachait à l’imitation, comment des hommes moins heureusement doués que les statuaires d’Athènes et de Sicyone pourraient-ils espérer se dérober aux conséquences d’une conduite pareille ? Ce serait de leur part une singulière présomption. Phidias et Polyclète nous manquent. Où sont Lysippe, Scopas et Praxitèle ? Pourquoi donc tant de sculpteurs s’engagent-ils dans la voie suivie par Callimaque et Démétrius ? J’ai montré que la France, représentée par les artistes les plus habiles, proteste hautement