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et tous les hommes compétens, tous ceux qui réunissent au sentiment instinctif de la beauté une intelligence éclairée par des études spéciales, proclament les débris du Parthénon supérieurs à toutes les œuvres connues de l’art antique. Si Phidias n’est pas la tout entier, nous y trouvons du moins l’expression irrécusable de son génie. En voyant ce qu’il a fait avec le paros, nous pouvons deviner ce que valaient ses colosses de sculpture chryséléphantine, sa Minerve et son Jupiter, célébrés en termes si enthousiastes par Plutarque et par Pausanias. Il y a pourtant dans l’œuvre de Phidias, comme dans l’œuvre de Raphaël, plusieurs parts à faire. Celui qui mettrait les loges du Vatican sur la même ligne que les Stanze se tromperait. Le Sanzio en effet n’a peint de sa main que la première des cinquante-deux compositions connues sous le nom de loges, la Création, tandis qu’il a traité personnellement les quatre sujets qui décorent la salle de la Signature, et dans les autres salles la bataille de Constantin est la seule composition conçue par lui où il n’ait pas mis la main. Il y a lieu de penser que la frise du Parthénon, où se trouvent représentées les Panathénées, et les métopes, qui figurent le combat des Lapithes et des Centaures, conçues par Phidias, ont été exécutées par ses élèves. Ainsi s’expliquerait l’immense supériorité des frontons sur les métopes et sur la frise. Les archéologues supposent, non sans raison, que pour l’achèvement d’un travail si considérable Phidias fut obligé d’employer, outre les élèves de son école, quelques élèves de l’école précédente, encore inhabiles à reproduire fidèlement le style de ses conceptions. Quelle que soit la valeur de cette conjecture, il est certain que la frise et les métopes sont au-dessous des frontons. La Cérès, la Proserpine, les Parques, le Thésée, l’Ilissus, nous montrent l’art grec dans toute sa splendeur, dans toute sa pureté. Vérité, grandeur, expression idéale, tout se trouve réuni dans ces figures mutilées par le temps, et dont aucune main ne saurait aujourd’hui recomposer les parties absentes. Le torse du Thésée est conçu avec une simplicité puissante qui le place bien au-dessus de l’Apollon Pythien et du Laocoon. Tous les détails mesquins sont supprimés. La forme est accusée par un petit nombre de masses musculaires, et comme résumée en quelques traits. Rien n’est oublié ; mais le statuaire a sous-entendu ce qui lui semblait inutile, et, par l’emploi de ce procédé savant, il est arrivé à créer le type de la force héroïque. Quoique la tête soit mutilée, il est impossible de se méprendre, je ne dirai pas sur le nom, mais du moins sur le caractère du personnage. Il y a tant de noblesse dans ce torse mutilé, qu’on devine une nature presque di vine. Les plus belles œuvres du ciseau moderne semblent imparfaites quand on les compare au Thésée du Parthénon, et la réflexion