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point organisé ces corporations spéciales qui en prennent le nom. Il est naturel qu’il y ait des ministres de l’Évangile : il faut prêcher, enseigner, administrer les sacremens ; mais le sacerdoce avec son autorité exclusive, cette aristocratie qui se prétend médiatrice entre Dieu et le peuple, n’est ni d’institution divine, ni d’institution apostolique. Et c’est la domination, l’ambition et la routine de ces puissances prétendues spirituelles qui éloignent les cœurs du christianisme, qui affaiblissent son empire chez les peuples modernes, qui, donnant l’exemple de l’esprit sectaire, produisent et entretiennent autour d’elles la multiplicité des sectes, fléau de la société religieuse en Angleterre. Arnold, en déplorant leur existence, n’en proscrit aucune. Il prononce même quelque part, en parlant des dissidens, cette belle parole que tout le monde sans exception devrait répéter : « Ils ne sont pas tout erreur ; nous ne sommes pas tout vérité. » Mais il pense que leur esprit étroit, exclusif, est le plus grand obstacle au pouvoir de la religion sur la société entière, et il reproche à la secte privilégiée, c’est-à-dire à l’église établie, de tout faire pour main tenir la division, et avec la division le fanatisme, l’indifférence et l’incrédulité. Vainement invoquerait-elle la tradition. La tradition pour lui n’est point une imposante autorité. Le Christ vit, son œuvre subsiste, son action n’est point interrompue. Le christianisme n’est point une science morte, une archéologie, et non-seulement la religion doit être dans une certaine harmonie avec les sentimens et les besoins de chaque époque ; mais de plus il n’y a pas de raison pour que la manière de la concevoir, de la pratiquer, de la constituer ne profite pas des progrès du temps et demeure étrangère au mouvement de la civilisation, qui est, comme elle, dans les vues de la Providence. La primitive église n’est point nécessairement le type de la perfection, quand même il serait aussi vrai qu’il l’est peu que les églises modernes fussent à sa ressemblance. Le moyen âge doit encore bien moins nous servir de règle. C’est lui d’ailleurs qui, en insti tuant les deux puissances et en les armant l’une contre l’autre, a rendu l’église de plus en plus indépendante de la société, et la société de plus en plus hostile à l’église. Ce n’est pas qu’en cela comme en aucune chose Arnold veuille une révolution, il se borne à une réforme. Il préfère l’église aux autres sectes, même aux évangéliques, qui pourtant ne s’en séparent pas. Il admire sa liturgie, souscrit à ses symboles, en les interprétant suivant l’Écriture et la conscience, respecte son épiscopat, qu’il voudrait étendre davantage ; mais il la trouve trop étroitement constituée, et condamne avec une extrême rigueur l’esprit qui l’anime. C’est l’esprit pharisaïque, l’esprit de conservation absolue, d’immobilité, de tradition, de réaction, l’esprit caractéristique de toute domination de prêtres. Malgré ses égards, son respect pour les vertus et les talens des individus, malgré