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que la religion par l’Écriture : cependant on le doit ranger dans le parti de l’orthodoxie anglicane. Partout il témoigne de son respect pour l’église établie. Non-seulement il est sévère pour un scepticisme incrédule ou pour un socinianisme au vernis chrétien, mais il soutient que la négation de la Trinité renferme l’athéisme, sans prétendre que tous ceux qui la nient soient des athées. Il ne pardonne pas aux latitudinaires d’avoir trop allégé le joug de la foi ; il accuse Grotius de l’avoir trop étroitement ramenée aux proportions de la sagesse humaine ; il est l’ennemi déclaré de ce qu’il appelle le minimifidianisme. Sans doute sa soumission à l’église n’a rien de servile, sa soumission à l’Écriture, n’a rien de judaïque. Il en est de même en politique. Bien que tory conservateur, il se plaint que les défenseurs du gouvernement anglais aient paru, dans les années qui suivirent 1789, oublier les principes de 1688, et il met au premier rang des droits et des intérêts publics la liberté de la presse. Sur ce point, il pense comme Milton. Ennemi aveugle et passionné de la France, il dit cependant qu’il s’est senti plus à l’aise pour la combattre après la rupture de la paix d’Amiens, alors que la guerre lui paraissait plus conciliable avec les principes de Hampden, de Russell et de Sidney. Jusque-là elle ressemblait trop, selon lui, à une croisade d’absolutisme. De même, encore que partisan de l’église établie, il penche plutôt vers une sorte de puritanisme épiscopal que vers les doctrines ecclésiastiques de l’université d’Oxford ; il met la ferveur croyante de certains dissidens au-dessus de la religion toute politique de certains prélats. Il ne veut dans le clergé ni domination ni servilité. L’intolérance légale lui est odieuse, et il en dénonce le principe jusque chez les théologiens qu’il admire, comme Taylor ou Baxter. Enfin, même en matière de dogme, il ne s’asservit point à la lettre. Il préfère les trente-neuf articles et le livre de communes prières à l’indécision des croyances mal définies, et sur quelques-uns des points les plus contestés, il fortifie l’orthodoxie par des argumens nouveaux ; mais sur la cène, sur le péché d’Adam, sur la résurrection, il use d’une liberté d’interprétation qui n’est pas au reste anathématisée par son église. C’est surtout dans ses idées touchant l’autorité des livres saints qu’il montre le plus d’indépendance. D’abord il s’appuie peu sur l’Ancien Testament, il a des doutes sur l’authenticité de l’Apocalypse, et quelque soit son respect pour les Évangiles, il ne fait point reposer la foi sur les trois premiers, et se contenterait volontiers, pour la justifier, de l’Évangile de saint Jean et des épîtres de saint Paul. En tout, sur cette grande question de l’inspiration des livres saints, il se prononce contre ce qu’on appelle la théopneustie absolue. Pour lui, la révélation est dans la Bible, mais dans la Bible tout n’est pas révélé. L’interprétation de l’Écriture admise par l’église est la meilleure, la