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une religion qui les prenne pour fondemens, qui conforme à ces dogmes de la raison ses dogmes révélés, ses récits historiques, ses expressions et ses commandemens, le chemin est frayé vers elle, et rien n’en sépare celui qui cherche la vérité. Ici, dans l’exposition des croyances qui sont l’essence du christianisme, Coleridge montre une telle fécondité de pensées fortes ou ingénieuses, qu’il faut renoncer à les reproduire. L’analyse méthodique en serait fort difficile, et demanderait d’assez grands développemens. Il suffit de savoir que pour la religion révélée, comme son maître pour la religion rationnelle pure, il fait surtout appel à la conscience morale. Quoique strictement conforme à l’idéal de la raison, le christianisme n’est pas une théorie, mais une vie. Cette vie, il faut l’embrasser ; la foi consiste dans la synthèse de la raison et de la volonté. À celui qui doute des dogmes particuliers, des faits et des témoignages historiques, le meilleur conseil à donner est celui-ci : essayez, mettez à l’épreuve les promesses du Christ. Si après avoir conformé votre cœur et votre vie à ces préceptes, si seulement après avoir nourri votre esprit de tout ce qu’ils révèlent, et vous être rempli des pensées et des sentimens de la foi, vous ne vous trouvez pas comme renouvelé ou du moins réconcilié avec tout ce qui vous éloignait d’elle, on verra ce qu’il faudra faire. Suivant Coleridge, il est vrai, l’expérience est immanquable pour qui l’a faite avec réflexion et sincérité. Ceci n’est point compris de ceux pour qui la religion est tout extérieure, ou comme il dit tout objective. Leur foi externe est, selon lui, celle des théologiens de Rome. C’est pour eux, dit-il, que les rabbins ont inventé l’infaillibilité. Cependant, si la religion a son pôle historique et ecclésiastique, elle a son pôle subjectif, spirituel, individuel. En d’autres termes, elle appartient surtout à l’homme intérieur, et c’est par lui qu’elle doit commencer, c’est de lui qu’elle doit jaillir en quelque sorte. Ainsi du moins il faut la présenter aux âmes accoutumées à la réflexion et formées par la vraie philosophie de l’esprit. Ce point de vue, auquel se place presque toujours Coleridge, sans contester qu’il exige une aptitude philosophique de l’intelligence qui ne peut être la loi de tout le monde, suffit pour empêcher ses conseils, ses argumens et sa manière d’être jamais populaires ; mais ce n’est pas un reproche, si d’ailleurs l’originalité ne l’entraîne pas à l’hétérodoxie. Or il est si formel et si décidé sur la divinité du médiateur et la notion de la Trinité, il soutient sur la question de la rédemption et la justification une doctrine tellement compatible avec un calvinisme tempéré, qu’on ne peut sérieusement l’exclure du giron de l’église. Il s’exprime avec liberté sur quelques termes sacramentels de la dogmatique trinitairienne ; il ne trouve point la perfection dans le langage de saint Athanase ; il ne regarde pas la vérité comme inséparable de certains mots ; il est plutôt disposé à prouver l’Écriture par la religion