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de manques de parole, et trop souvent de mensonges actuels !

« Après ma mort, je supplie qu’un récit complet et sans réserve de ma misère et de sa criminelle cause soit rendu public, afin qu’au moins ce terrible exemple puisse faire quelque peu de bien.

« Puisse Dieu tout-puissant vous bénir et avoir pitié de votre toujours affectionné et reconnaissant dans son cœur — S. T. Coleridge. »

Après une pareille lettre, tout ce qu’on ajouterait serait de la déclamation. Il vaut mieux laisser l’homme et venir à ses ouvrages.


XII

Voici les titres de cinq des plus importants. — L’Ami (The friend) est une suite d’essais « pour aider à la formation de principes fixes en politique, en morale et en religion, avec des amusemens littéraires entremêlés ; » je viens de traduire le second titre, qui suffit pour donner l’idée d’un recueil où l’on trouve de tout, des dissertations, des biographies, des nouvelles, des choses très remarquables et de très médiocres. Les Confessions d’un esprit qui cherche se composent de sept lettres sur l’autorité de l’Écriture sainte, la manière de l’interpréter et de concevoir en quel sens et dans quelle mesure elle est inspirée. Dans les Secours pour la réflexion, l’auteur emprunte aux bons théologiens de l’Angleterre, et surtout à l’archevêque Leighton, des passages qu’il qualifie d’aphorismes, et qu’il commente ensuite dans une glose développée. Il en résulte un traité des points fondamentaux de la doctrine chrétienne, de ceux du moins que Coleridge tenait pour fondamentaux. À l’exemple de Luther, de Selden, de Wilson, il a laissé aussi des Propos de table, et c’est dans ces souvenirs de pensées fortuites ou d’entretiens improvisés qu’au dire de certains critiques, il a montré le plus d’esprit. Enfin une lecture instructive est celle de ses quatre volumes de Literary Remains. Sans compter des remarques fort estimées sur Shakspeare, on y trouve d’intéressans extraits des principaux divines de l’Angleterre. On peut douter que l’église et les diverses communions chrétiennes aient produit en ce pays des talens égaux en valeur littéraire à quelques-uns de ceux de la chaire française, et Jeremy Taylor, quoique Coleridge l’ait appelé le plus éloquent des écrivains sacrés, n’est pas, ce semble, au niveau de Bossuet ; mais pour la doctrine, la science, la discussion, l’esprit critique et le mouvement des idées, les docteurs et les prédicateurs anglais pourraient bien avoir l’avantage, et la théologie forme une branche très riche de la littérature nationale. Les livres de ce genre sont plus connus du public que leurs analogues ne le sont parmi nous, et nous y trouverions beaucoup à apprendre le jour où notre orthodoxie consentirait