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peut discuter sans remettre en question à la fois les rapports du dogme et de la loi, ceux de l’église et de l’état, et jusqu’à la singulière combinaison qui, réunissant sur la même tête la suprématie religieuse et la royauté constitutionnelle, autorise une simple femme à régler la croyance publique, et l’expose à en subordonner l’ex pression inaltérable aux volontés d’une majorité ministérielle. Un ambassadeur espagnol disait à une fête de la reine Elisabeth : « Je viens de voir danser la tête (the head, le chef) de l’église d’Angleterre. » Il n’est guère moins étrange de voir l’expression d’un dogme éternel mise éventuellement aux voix dans une assemblée et pouvant être déclarée légalement obligatoire ou indifférente, suivant que les élections auraient donné le pouvoir à Bolingbroke ou à Walpole, à lord Derby ou à lord John Russell. Il y a bien une autre manière de pourvoir aux nécessités de l’orthodoxie. La couronne peut statuer par des canons, qui ne vont point au parlement comme les statuts. L’archevêque Whitgift conseilla à la reine Elisabeth de préférer le premier mode au second, et un livre de canons est encore en vigueur, qui a été ratifié par lettres patentes en 1604, sans avoir été législativement approuvé ; mais outre que le pouvoir de procéder ainsi a été contesté, aucune sanction ne saurait être attachée à de semblables ordonnances. Rien n’est obligatoire en Angleterre, si l’on ne peut y être contraint par jugement. Or les cours de justice n’appliquent que les lois. Les canons d’ailleurs ont besoin d’être préparés par la convocation, c’est-à-dire par deux assemblées, l’une représentant le clergé de la province de Cantorbéry, l’autre celui de la province d’York. La désuétude et un certain discrédit ont atteint cette institution. Il est même douteux que les trente-neuf articles aient été intégralement soumis à cette double délibération ; mais ils ont été par les deux chambres érigés en loi de l’état. Lorsque Guillaume III tenta de réunir toutes les parties de la société protestante, les formulaires et les livres officiels de l’église furent renvoyés à une commission qui devait préparer un plan de révision. La convocation et finalement les deux chambres devaient successivement en délibérer. Dans la nouvelle rédaction, l’article VIII fut au moment d’être changé. Cependant, malgré Tillotson et Burnet, on n’osa supprimer la mention du Credo d’Athanase, et l’on adopta seulement un amendement de Stillingfleet qui n’appliquait les clauses de damnation qu’à ceux qui niaient obstinément et dans sa substance même la foi des chrétiens. Cette proposition, bien modeste, ne trouva pas grâce dans la convocation, où la haute église était prépondérante ; tout pro jet de réforme fut abandonné, et le célèbre Credo est resté loi de l’état. Transformer en obligation civile l’adhésion à une déduction métaphysique aussi compliquée, et obliger des hommes bienveillans