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Ce qui est particulier à l’Angleterre et peut-être aux pays libres, c’est que ceux qui ailleurs resteraient des écrivains isolés, ou vivraient obscurément dans un schisme individuel, y trouvent bientôt autour d’eux les élémens d’une congrégation, et aspirent souvent à former une secte reconnue. Cette faculté et cette coutume sont de précieuses sauvegardes de la conservation du sentiment religieux parmi les hommes. Partout où l’unité existe, elle multiplie les indifférens. Cependant les croyances qui s’organisent ainsi peuvent en elles-mêmes être considérées comme des systèmes, et aujourd’hui une influence ignorée du dernier siècle tend à les développer sous cette forme : c’est l’influence de l’Allemagne. La langue et la littérature de l’Angleterre ont reçu depuis le commencement du XIXe siècle une forte empreinte de germanisme. L’idée de considérer la religion comme un sentiment intime plutôt que comme une croyance écrite avait été propagée d’abord par Doddridge, puis par les méthodistes, et elle disposait les âmes à subir l’atteinte de cette mysticité que les Allemands mêlent souvent au rationalisme même personne mieux que Schleiermacher n’a réalisé l’union de l’amour du merveilleux et de la confiance dans la raison. Ainsi alliée, la critique allemande est devenue de plus en plus hardie, et une exégèse que rien n’arrête s’est attachée aux monumens du christianisme. On s’est mis peu à peu chez nos voisins d’outre-Manche à étudier les travaux de nos voisins d’outre-Rhin, et l’orthodoxie, les doctrines moyennes, le libre examen, ont également puisé à cette source. Sous le coup de ces nouveautés, la haute église elle-même s’est réveillée. À Oxford, en 1833, un petit nombre de personnes dirigées par des sentimens qui, en 1689, eussent fait d’elles des non-jureurs, se sont réunies pour convenir d’un plan de résistance combinée à l’impulsion démocratique du siècle. La publication des Traités pour le temps, c’est-à-dire contre le temps, a témoigné au monde de leur existence. Un soin curieux de revenir à la tradition, un archaïsme prétentieux dans les formes du culte, une certaine attention à s’éloigner du pouvoir, qui d’ailleurs ne recherche pas leur appui, plus de zèle pour les œuvres que pour la méditation et la contemplation religieuse, un mélange singulier d’esprit du monde et de dogmatisme professionnel, distinguent cette petite portion du clergé, qui s’intitule anglo-catholique, à la tête et à l’extrémité de laquelle se place le docteur Philpotts, évêque d’Exeter. L’agitation et la controverse se sont propagées de proche en proche, et c’est dans le sein longtemps paisible de l’église que se produit aujourd’hui le plus de mouvement. Ces dissensions intestines semblent par momens en menacer la flot tante unité. Ils ne sont pas rares, ceux qui prédisent pour un avenir assez prochain la réforme radicale de l’église. Assurément une communauté