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passé. Les publications historiques ont donc pour elle aujourd’hui un autre intérêt que celui de la curiosité, une autre importance que celle de l’érudition. De là peut-être aussi une certaine opportunité à rendre compte d’une entreprise laborieusement poursuivie, d’un recueil qui contient, sous la forme de chroniques et de documens, plus d’un conseil salutaire et plus d’une utile leçon. Parmi les publications historiques que l’Italie a vu naître depuis quelques années[1], il n’y en a point de plus importantes que les Archives historiques italiennes, publiées à Florence par M. Vieusseux. M. Vieusseux a deux fois été le centre d’une entreprise littéraire qu’animait le patriotisme. La première fut l’Antologia italiana, qui, adoptée par l’opinion, a inquiété le pouvoir, et dont le succès a amené la suppression. Se réfugiant dans le passé, qu’il n’est donné à personne de supprimer, M. Vieusseux et les hommes distingués dont son activité était le lien entreprirent les Archives historiques italiennes, qu’ils ont conduites jusqu’au-delà du quarantième volume. Ce zèle soutenu et désintéressé ne surprendra personne, car on connaît les sentimens généreux et l’énergie persévérante de M. Vieusseux, l’un des meilleurs citoyens que l’Italie renferme aujourd’hui dans son sein.

Les Archives italiennes se sont continuées en se modifiant ; elles participent maintenant du recueil historique et de la revue critique. Cinq livraisons de la nouvelle série ont paru, et font voir que la publication de M. Vieusseux ne sera pas moins intéressante et moins instructive sous sa nouvelle forme que sous l’ancienne. Les Archives, bien que publiées à Florence, ne sont pas uniquement consacrées à l’histoire de la Toscane. Toutes les nations italiennes y sont représentées : c’est une pensée et une œuvre italienne. Et en effet, si l’Italie a été au moyen âge et depuis trop morcelée pour sa prépondérance politique, bien que ce fractionnement ait contribué pendant des siècles à y multiplier une activité féconde, on ne peut isoler les histoires particulières des différens pays qui la composent. Vivant d’une vie distincte, ils n’ont point cependant été étrangers les uns aux autres ; leurs alliances, leurs luttes mêmes ont établi entre eux, à défaut d’unité, au moins des relations perpétuelles. On ne doit pas séparer dans l’étude ce qui a été trop souvent divisé dans l’action, et écrire par exemple l’Histoire des républiques italiennes, comme on l’a tenté, sans écrire en même temps celle des pays soumis à un duc comme Milan, à un roi comme Naples, celle de Rome, qui est mêlée à toutes les autres. Pour faire sentir par une exagération piquante à

  1. Parmi elles, on doit signaler à Turin les Historiœ patriœ Monumenta, et à Naples le Syllabus membranarum ad regiœ Siciliœ Archivium pertinentium.