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Guillaume III, qui tempérait par les lumières d’un esprit supérieur les doctrines rigoristes dans lesquelles il avait été élevé, fut constamment obligé de se ménager entre l’église et le puritanisme, perpétué sous le nom général de dissent. Heureusement il se forma dans la première deux partis : l’un absolutiste, celui de la haute église, l’autre libéral et plus ou moins latitudinaire, celui de la basse église, comme dans le dissent ; il y eut des sectes excentriques qui ne connaissaient ni transactions ni règle, et des puritains concilians, des presbytériens modérés, de ceux qu’on appelait conformables, quoique de fait ils ne se soient jamais conformés. Entre des hommes tels que Hooker et Cartwright, Tillotson et Baxter, la conciliation eût été facile, et des philosophes chrétiens, comme Cudworth et Locke, n’y auraient assurément pas mis obstacle. C’est dans ce milieu que Guillaume III aspirait à placer le pouvoir. Il y eut de longs efforts pour un rapprochement qui ne s’effectua jamais. En définitive, l’état de lutte dans lequel furent maintenues les diverses croyances, par le balancement de leurs forces, a peut-être été plus favorable à leur conservation et à leur vitalité que ne l’aurait été une liberté paisible pleinement consacrée par les mœurs et par les lois.

L’église épiscopale est une aristocratie. À ce titre, elle tend à s’engourdir dans la possession du pouvoir, et vers le milieu du dernier siècle elle semblait chaque jour moins propre à la propagande et à la controverse. Tout près d’elle cependant, les méthodistes, et dans son sein les évangéliques, lui donnèrent un meilleur exemple. Il y eut conflit, ou, si l’on veut, concurrence entre la tendance ecclésiastique et la tendance puritaine. Pour celle-ci, l’autorité d’un clergé n’est rien, la sainte Écriture est tout : l’organisation par congrégations libres qui choisissent en général leur pasteur, idée importée de Hollande, est la seule forme constitutive qui paraisse apostolique. De tous les dissidens, les presbytériens étaient ceux à qui la séparation avait le plus coûté. Il leur semblait pénible de réclamer en fait la tolérance qu’ils réprouvaient en principe. « La tolérance, c’est la grande Diane des indépendans, » écrivait autrefois le presbytérien Edwards, celui qui dénonçait comme une gangrène la multiplicité des sectes. Même parmi les dissidens, l’honnête, le bienveillant Baxter dit quelque part : « Tolérance ! mot magnifique pour dire le meurtre de l’âme ! Que Dieu m’accorde de ne jamais voir de mes yeux une tolérance établie ! » Les presbytériens seraient entrés volontiers dans un système de compréhension qui eût réuni les principales communions protestantes, au risque d’opprimer celles qui seraient restées dehors. Cette fusion toutefois n’eut jamais lieu, et ils ont enfin été forcés de s’accommoder de cette tolérance dont ils s’obstinaient à