Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/487

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

acquis à une contrée est celui qui se reproduit spontanément, sans le secours de l’homme, comme il le ferait dans son pays natal. L’acacia commun, par exemple, originaire de l’Amérique septentrionale, est naturalisé dans l’Europe moyenne, car il se resème de lui-même, et devient sauvage dans nos haies et dans nos bois. Le marronnier d’Inde n’est pas naturalisé ; sa graine, tombée sur le sol, germe sans doute, et l’arbre commence à pousser, mais il périt bientôt, si l’homme ne lui donne des soins. Ainsi donc rien de plus rare que les naturalisations complètes ; mais, non content de naturaliser les plantes et les animaux utiles, l’homme a prétendu les acclimater. Il s’est flatté de l’espoir qu’un végétal provenant d’un pays chaud s’habituerait peu à peu à un climat plus rigoureux ; il a cru que la graine récoltée sur l’individu cultivé dans sa nouvelle patrie donnerait des sujets plus robustes. Douce chimère ! comme l’a dit Dupetit-Thouars. Le végétal vit tant que le thermomètre et l’hygromètre se maintiennent dans les limites qu’il peut supporter ; cette limite dépassée, il périt. Chaque hiver rigoureux est pour les horticulteurs passionnés une source d’amères déceptions. L’arbre qu’on croyait acclimaté, parce qu’il avait traversé plusieurs hivers semblables à ceux de son pays, meurt dès que le thermomètre s’abaisse au-dessous du minimum de son climat natal. Les grands hivers de 1709,1789, 1820 et 1830 ont tué des arbres que nous sommes habitués à considérer comme indigènes, tels que les noyers, les châtaigniers et les mûriers. Tous les vingt ans, les oliviers de la Provence et les orangers de la Ligurie meurent de froid sur un point ou sur un autre. Leur mort nous rappelle que, dans les contrées d’où ils proviennent, le mercure ne descend jamais au-dessous du point de congélation.

Ce que j’ai dit des végétaux est également vrai des animaux : leur acclimatation est une chimère. Chaque espèce vit et se reproduit dans certaines conditions de température et d’alimentation ; en dehors de ces conditions, elle meurt. C’est au zoologiste intelligent de découvrir celles dont la nature plus flexible se prête aux variations de nos climats septentrionaux ; mais il doit renoncer à la prétention de modifier leur organisme. Le renne n’a pu se naturaliser dans les montagnes de l’Ecosse, dont le climat et la constitution physique sont si semblables à ceux de la Laponie. Le cheval au contraire est le fidèle serviteur de l’homme sur toute la terre, depuis les déserts brûlans de l’Arabie jusqu’aux froides montagnes de l’Islande et de la Scandinavie. Le chien a suivi l’Esquimau jusque dans ces contrées couvertes de neiges éternelles où la mer elle-même ne dégèle plus ; mais ce n’est point l’art humain qui a transformé ces animaux et plié leur constitution à des influences si diverses : la nature avait tout fait, l’homme en a seulement profité. Tous les animaux des pays chauds