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le granit en Suisse et en Laponie. Des voyages multipliés et bien dirigés réduiraient encore le nombre de ces espèces exclusives.

Les plantes maritimes font seules exception à cette règle : le sel est indispensable à leur existence, jamais aussi elles ne s’écartent du rivage ; mais on les trouve dans les eaux saumâtres des salines éloignées de la mer et aux alentours des sources minérales. La conclusion à tirer de ces faits, c’est que les conditions physiques ont une influence prédominante pour les espèces terrestres, tandis que l’existence des plantes maritimes est liée à la présence des sels qui entrent dans la composition de l’eau de mer ; elles ne sauraient s’accommoder de l’eau douce, mais la plupart végètent très bien dans un mélange d’eau douce et d’eau salée, tel que celui des eaux saumâtres dans les lagunes, aux embouchures des fleuves et dans les marais salans.


III. – DE LA NATURALISATION ET DE L’ACCLIMATATION DES VEGETAUX. – DE L’APPARITION DES ESPECES SUR LE GLOBE.

Nous connaissons maintenant les lois auxquelles est soumise la distribution des végétaux sur le globe. Après avoir résumé l’ensemble des notions sur lesquelles repose la géographie botanique, il nous reste à donner une idée de l’intérêt des questions qu’elle peut nous aider à résoudre, et qui touchent, les unes aux applications possibles, les autres aux principes de la science. Parmi les premières, nous citerons la naturalisation, l’acclimatation des végétaux ; parmi les secondes, l’apparition des espèces à la surface du globe.

La population d’un pays ne se compose pas uniquement des indigènes ou des descendans de familles qui l’habitent depuis plusieurs siècles : les événemens les plus divers y amènent des étrangers qui s’y établissent, s’y naturalisent, et se confondent, après un petit nombre de générations, avec les habitans primitifs de la contrée. Il en est de même des populations végétales. Une flore se compose d’espèces indigènes, connues de temps immémorial dans le pays, et d’autres introduites successivement par les causes les plus variées. Les courans marins, les rivières, les vents, les oiseaux, portent des graines d’un pays à l’autre ; mais c’est l’homme surtout qui est l’agent volontaire ou involontaire de ces transports. Les semences de céréales envoyées d’Europe en Amérique, ou réciproquement, ont introduit dans les moissons des deux mondes des plantes étrangères dont les graines étaient mêlées à celles du froment, du seigle ou de l’orge. Souvent ces graines, semées avec le blé, ne lèvent pas dans le champ lointain où le hasard les a jetées, mais souvent aussi elles germent et produisent une plante. Si les nouvelles conditions d’existence où elle se trouve placée lui conviennent, la plante vit et se