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l’humidité sur la distribution géographique des végétaux. L’eau existe dans l’atmosphère de plusieurs façons : 1° à l’état de vapeur invisible ; 2° sous forme de brouillard, de rosée, de pluie et de neige. L’air chaud et humide est généralement favorable aux plantes, l’air froid et sec leur est nuisible. Les brouillards trop fréquens interceptent la chaleur et la lumière du soleil, provoquent le développement des végétaux parasites et sont hostiles à la plupart des plantes, leur influence est limitée aux contrées froides ; mais la fréquence et la répartition des pluies dans les diverses saisons ont sur la distribution des végétaux dans toutes les zones une influence aussi marquée que celle de la température. Les étés sans pluie de la région méditerranéenne et de l’Europe orientale arrêtent les végétaux dans leur extension vers le sud : nous avons cité le hêtre, le sapin de Normandie, le fusain ; un grand nombre d’espèces annuelles sont dans le même cas. On conçoit en effet que ces plantes ne se maintiennent pas dans une contrée, si leur germination n’est pas provoquée par des pluies au printemps, ou bien si elles sèchent sur pied avant d’avoir mûri leurs graines.

Les neiges abondantes ne sont jamais un obstacle à l’extension d’une plante. Véritable manteau, elles la protègent contre le froid de l’hiver, les gelées du printemps, et pénètrent le sol d’une humidité salutaire. Si la neige défend une foule de végétaux contre le froid du nord, la rosée sauve la plupart de ceux du midi pendant les longues sécheresses de l’été : chaque matin, la plante refroidie par la fraîcheur de la nuit se couvre de gouttelettes d’eau comparables souvent à celles d’une pluie légère, et peut braver de nouveau les ardeurs du soleil. Le Sahara serait complètement dépourvu de végétation, si les rosées journalières ne fournissaient pas à ses humbles plantes la faible quantité d’eau nécessaire à leur entretien. M. Alph. de Candolle a parfaitement démontré comment ces diverses causes, la température et l’humidité sous toutes leurs formes agissant ensemble ou séparément, limitent l’extension de certaines plantes vers le nord, le sud, l’est et l’ouest, et les circonscrivent dans une région déterminée. Il a fait choix d’un certain nombre d’espèces annuelles, vivaces ou ligneuses, et pour chacune d’elles il discute avec soin les circonstances météorologiques qui en ont arrêté la migration dans le sens de l’un des quatre points cardinaux.

Les mêmes causes qui limitent l’extension des plantes vers le nord les arrêtent sur le flanc des hautes montagnes. Le voyageur qui, partant du pied des Alpes ou des Pyrénées, monte sur un de leurs sommets, traverse des climats analogues à ceux qu’il rencontrerait en marchant vers le nord, sans quitter la plaine. À mesure qu’il s’élève, l’humidité augmente, les brouillards deviennent plus