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trop basse pour faire mûrir le raisin, car sur les bords du Rhin et de la Moselle, où l’on récolte d’excellens vins, les hivers sont plus rigoureux qu’en Bretagne et en Normandie, mais les étés y sont beaucoup plus chauds. Si l’on se borne à une approximation, la chaleur des saisons rend compte en effet de la différence de végétation entre des contrées à climats opposés ; mais ces élémens font défaut dès qu’on veut les appliquer rigoureusement à un végétal en particulier. Prenons pour exemple la plante céréale qui s’avance le plus vers le nord, l’orge cultivée. On pensait autrefois que la culture de l’orge cessait là où la chaleur de l’été était insuffisante pour faire mûrir le grain ; mais en raisonnant ainsi, on trouve que l’orge mûrit encore dans des pays où les étés ont une température très différente, et ne mûrit plus dans d’autres où elle est plus élevée que dans les premiers. Ainsi, aux îles Fœroë (latitude 62°), dernière limite de la culture de l’orge sous le méridien des îles britanniques, la température moyenne de l’été est de 12°,1. À Alten, en Laponie (latitude 70°), cette moyenne est de 10°,0, et à Yakoutzk, en Sibérie (latitude 62°), elle s’élève à 16°,0. M. Kupffer a fait ressortir l’influence des températures et des pluies du printemps et de l’automne qui retardent ou hâtent la germination, favorisent ou empêchent la maturation du grain. Nous-même avons montré que la présence perpétuelle du soleil au-dessus de l’horizon compensait sous le 70° degré de latitude la moindre chaleur de l’été. On a de plus tenu compte des jours couverts et des journées sereines ; mais, malgré toutes ces considérations, on n’arrive pas à des nombres parfaitement concordans. L’on se demande toujours pourquoi l’orge mûrit aux Faeroë et en Laponie et ne mûrit pas en Sibérie ; où les étés sont plus chauds. Si l’on veut arriver à une concordance satisfaisante, il faut recourir à la méthode indiquée par Réaumur, appliquée depuis par MM. Boussingault, Quetelet, Gasparin et Alphonse de Candolle, celle des sommes de chaleur. Je m’explique. La végétation de l’orge commence lorsque le thermomètre dépasse 5 degrés centigrades : nous ne tiendrons donc pas compte de toutes les températures inférieures à ce degré ; mais nous additionnerons ensemble les températures moyennes de chaque jour où le thermomètre a dépassé 5 degrés ; de cette manière, nous aurons la somme de chaleur accumulée qui a été nécessaire pour faire parcourir à l’orge toutes les phases de sa végétation depuis la germination jusqu’à la maturité du grain. Il est raisonnable au fond d’assimiler l’effet de la chaleur sur une plante à celui qu’elle produit sur les corps inorganiques. Pour que l’eau contenue dans un vase arrive à l’ébullition, il faut aussi qu’il s’y accumule une quantité de chaleur qui porte cette eau à la température de 100 degrés. En procédant ainsi, M. Alphonse de Candolle