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en 1806, est un chef-d’œuvre scientifique et littéraire tout à la fois. On ne saurait mieux observer que ne l’a fait M. de Buch, et il serait difficile de rendre avec plus de charme les grands et mélancoliques tableaux de la nature septentrionale.

L’éveil donné aux savans par les écrits de Linné, de Humboldt, de Léopold de Buch et de Wahlenberg fit pénétrer peu à peu la géographie botanique dans les ouvrages qui jusque-là n’en avaient pas présenté la moindre trace. Les auteurs de la flore d’un pays cherchèrent à caractériser la végétation de la contrée dont ils décrivaient les espèces ; ils notèrent la hauteur à laquelle s’élèvent certaines plantes alpines, distinguèrent les stations des autres, et indiquèrent plus exactement les limites géographiques de chacune d’elles. De Candolle, dans sa Flore française et dans son mémoire sur la géographie des plantes de France considérée dans ses rapports avec la hauteur, donna d’excellens modèles en ce genre. Quelques années plus tard, il résuma, en traitant de la géographie botanique dans le Dictionnaire des sciences naturelles, l’état de nos connaissances sur ce sujet. Il traçait ainsi le programme d’un livre dont son fils devait doter la science vingt-cinq ans plus tard. Peu de temps après, un savant danois, M. Schouw, publiait un traité complet de géographie botanique, dans lequel les limites des plantes sauvages et cultivées étaient tracées avec soin et mises en rapport avec les lignes isothermes dont nous avons parlé.

Pendant toute la durée de la république et de l’empire, les mers restèrent fermées aux nations continentales de l’Europe. Les voyages étaient difficiles et dangereux ; les chances de la guerre s’ajoutaient à celles de la navigation. C’est avec une peine infinie que les savans français de l’expédition d’Égypte étaient parvenus à sauver leurs manuscrits et leurs collections. Des voyageurs isolés, tels que Leschenault de la Tour, Dupetit-Thouars, Broussonet, Michaux, Bory de Saint-Vincent, ne revenaient en France qu’après avoir essuyé mille traverses. La paix de 1815 ouvrit le monde aux naturalistes. Les grandes nations ordonnèrent des voyages de circumnavigation. Des botanistes, embarqués avec les explorateurs, voyaient se succéder sous leurs yeux les contrastes de végétation dont la peinture les avait charmés dans les voyages de lord Anson, de Cook et de Bougainville. Aux Canaries, des bois de lauriers, des orangers, des euphorbes et des opuntias aux formes bizarres ; au Brésil, la végétation la plus luxuriante du monde, les palmiers, les bananiers, les fougères en arbre ; au cap Horn, quelques arbustes rabougris courbés par le vent et des pelouses vertes rappelant celles du nord de l’Europe ; dans les îles de la mer du Sud, des cocotiers s’élançant d’une plage sablonneuse qui se confond avec la mer ; en Australie, une végétation