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pour le Languedoc, Young l’a fait pour le royaume tout entier. Le premier il a remarqué les limites de culture qu’on traverse en allant du nord au sud ou du sud au nord, celles de l’olivier, du mûrier, du maïs et de la vigne. Le premier il dressa une carte des différens sols cultivables de la France : il est donc à la fois le créateur de la géologie et de la géographie agricoles, qui ne sont autre chose que la géographie botanique des espèces cultivées. Malgré l’émotion produite dans le monde entier par les grands événemens de 1789, le voyage d’Arthur Young fit une profonde sensation, et il est resté comme un modèle parfait de l’exploration agricole d’un grand pays.

Après Arthur Young et Giraud-Soulavie, citons encore Benedict de Saussure et Louis Ramond. Les voyages qu’ils ont faits, le premier dans les Alpes, le second dans les Pyrénées, quoique spécialement consacrés à la géologie, sont pleins d’observations sur la topographie botanique de ces montagnes : partout ils signalent et apprécient l’influence de la hauteur, de l’exposition, des abris, de la nature du sol sur la végétation. Ramond préludait ainsi à son Mémoire sur la végétation du sommet du pic du Midi, où il essaya le premier de donner la flore complète d’un sommet élevé de 2,924 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les écrits de Saussure et de Ramond sur les plus hautes montagnes de notre continent ferment dignement la série des essais qui dans le XVIIIe siècle préparaient l’avènement de la géographie botanique à l’état de science.

Au commencement du XIXe siècle, nous trouvons d’abord le nom du plus illustre représentant de cette branche des sciences physiques et naturelles : c’est celui d’Alexandre de Humboldt. L’éclat et l’importance de ses travaux sont même tels qu’il en est généralement considéré comme le créateur. C’est lui en effet qui, l’affranchissant des limites étroites de l’Europe, lui a fait embrasser le monde tout entier. Grâce à l’universalité de ses connaissances, M. de Humboldt a pu relier la géographie botanique à la météorologie, à la physique du globe et à la géologie, devenues désormais ses compagnes inséparables. Au retour de son voyage dans les régions équinoxiales, l’imagination encore toute pleine des contrastes qu’il avait observés entre la végétation de l’ancien et du nouveau monde, il publie ses idées sur la physionomie des végétaux. Décrivant d’une manière pittoresque ces formes que le paysagiste cherche à fixer sur la toile, et qui donnent un caractère si varié à l’aspect des diverses parties du globe, M. de Humboldt les ramène à quelques types principaux. Il montre que c’est la prédominance de telle ou telle forme végétale qui nous fait reconnaître immédiatement une contrée. Les pins et les sapins nous transportent dans le Nord ou sur les hautes montagnes de l’Europe, les chênes et les hêtres dans la zone tempérée, les oliviers dans le Midi, les palmiers dans les régions intertropicales ; le cap de Bonne-Espérance