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teurs, il se rendit à la synagogue où les Juifs étaient assemblés, et chercha à exciter du trouble dans leur réunion. Les Juifs, s’étant soulevés contre lui, l’insultèrent et le chargèrent de coups, puis ils le traînèrent devant Fuscien, préfet de la ville, et déposèrent contre lui en ces termes : « Les Romains nous ont permis d’exercer publiquement le culte de nos pères, et voici un homme qui veut nous en empêcher, et qui trouble nos cérémonies en disant qu’il est chrétien. » Tandis que Fuscien était à son tribunal et s’indignait de la conduite que les Juifs reprochaient à Calliste, on annonça à Carpophore ce qui se passait. Celui-ci se hâta d’aller trouver le préfet et lui dit : « Je vous prie, seigneur Fuscien, ne croyez pas cet homme ; il n’est pas chrétien, mais il cherche une occasion de mourir parce qu’il m’a dissipé de fortes sommes d’argent, comme je le prouverai. » Les Juifs, croyant voir en cela un subterfuge employé par Carpophore pour délivrer son serviteur, n’en réclamèrent que plus instamment la sentence du préfet. Il céda à leurs sollicitations, fit fouetter Calliste et l’envoya aux mines de Sardaigne.

« Quelque temps après, comme d’autres martyrs étaient exilés dans cette île, la concubine de Commode, Marcia, qui avait des sentimens religieux, voulut faire une bonne action ; elle fit venir le bienheureux Victor, évêque de l’église à cette époque, et lui demanda quels étaient les martyrs de Sardaigne. Victor lui donna les noms de tous, excepté celui de Calliste, dont il connaissait la conduite coupable. Marcia, qui jouissait d’une grande faveur auprès de Commode, en obtint des lettres de délivrance qu’elle confia à un vieil eunuque nommé Hyacinthe. Celui-ci passa en Sardaigne, et, ayant remis l’ordre au gouverneur de ce pays, délivra les martyrs, à l’exception de Calliste. »

Après ces accusations dirigées contre l’homme viennent celles qui atteignent le chrétien : Calliste est rappelé à Rome, grâce à l’intervention de la concubine de Commode, Marcia. Le pontife Zéphyrin lui confie l’administration des affaires de l’église. L’auteur des Philosophumena ne voit en lui qu’un sectaire qui combat les vraies doctrines pour y substituer les siennes : ses hérésies s’étendent déjà dans le monde entier ; mais ses disciples ne sont que des callistiens, ce ne sont plus des chrétiens. Il accuse, il condamne tous ceux qui ne pensent pas, en matière de foi, comme lui. Ces disputes de théologiens, qui intéressent peut-être moins les lecteurs d’aujourd’hui, sont les vrais griefs de l’auteur, et il n’a souillé la vie privée de Calliste que pour l’attaquer plus avantageusement sur le dogme. C’est là précisément ce qui infirme son témoignage. Il nous apprend, sans y penser, qu’il est l’ennemi de Calliste, qu’il a été condamné par lui pour ses doctrines, qu’il a toute sorte de motifs pour le haïr, et nous en avons aussi pour ne pas ajouter foi à ses accusations. Il s’élève contre un pape élu au suffrage par l’église entière, un pape qui est mort martyr. Pour le calomnier, il s’attaque encore à Zéphyrin, pape également, sanctifié aussi par l’église, et cela parce que Zéphyrin donnait sa confiance à Calliste. Mais si les Philosophumena étaient de saint Hippolyte ? Nous avons vu que, suivant M. Dollinger, il y a deux Hippolyte, qui n’en font peut-être qu’un, hérétique d’abord, puis orthodoxe, martyr et sanctifié. À l’opposition de Tertullien, il aurait commencé par l’erreur pour finir ensuite par la vérité ; ce serait en quelque sorte Tertullien