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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 septembre 1856.

Heureux les peuples qui n’ont pas d’histoire ! S’il est permis de prendre au mot ce vieux paradoxe, si l’absence d’événemens peut être considérée comme un symptôme de bonheur dans la destinée des nations, l’heure présente mérite assurément d’être notée comme un moment unique de félicité pour l’Europe. La presse européenne n’a plus guère de voix que pour constater la stagnation de la politique générale ; au milieu de cette accalmie, qu’explique une lassitude trop naturelle, l’esprit public et ses organes s’en vont bâillant leur vie, comme faisait et disait M. de Chateaubriand. Telle est la loi : l’ennui suit le bonheur et ne tarde point à le rejoindre, et l’ennui tout seul, de tristes événemens l’ont du moins prouvé chez nous, peut quelquefois devenir une dangereuse maladie politique. Cependant, pour peu que l’on perce la surface extérieure des choses, il est visible que ce calme apparent ne sera point un long repos. La situation de l’Europe nous avertit par plus d’un endroit (dirons-nous si c’est un sujet de crainte ou d’espoir ?) que nous n’aurons point le bonheur de nous ennuyer longtemps.

Le congrès de Paris nous a donné le fait matériel de la paix ; mais, d’un côté, les conditions de cette paix particulière à l’Orient entraînent dans l’exécution d’inévitables difficultés pratiques, et, d’un autre côté, le congrès de Paris a signalé ailleurs qu’en Orient des difficultés plus graves et qui devaient être bien pressantes, puisque pour les aborder, sinon pour les résoudre, il n’a pas craint de s’écarter de son objet spécial, qui était la réconciliation de la Russie avec la Turquie et les puissances occidentales.

Les difficultés d’exécution de la paix de Paris relatives à l’Orient ne sont point de nature, pour le moment, à inspirer des inquiétudes sérieuses. On peut les réduire à trois : l’exécution par la Turquie des mesures destinées à satisfaire la sollicitude généreuse que les nations chrétiennes éprouvent pour les sujets chrétiens du sultan, la nouvelle organisation des principautés