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ERJEB-PACHA.

Seraient-elles parties aussi ?

LINDARAXA.

Calmez-vous, mon frère. Elles prétendaient chacune avoir été la première à vous instruire du crime d’Ansha. La discussion a dégénéré en querelle. Des mots piquans, elles en sont venues aux voies de fait,… et je n’ai pu les séparer assez tôt pour leur éviter quelques blessures qui n’auront pas, je l’espère, de suites graves, mais qui…

ERJEB-PACHA.

Mais qui… Il y a blessures et blessures… Achevez…

LINDARAXA.

Les ongles d’Aïxa se sont enfoncés dans l’œil de Zulma…

ERJEB-PACHA.

Un œil crevé !… Mash’Allah !

LINDARAXA.

Le poing de Zulma s’est appesanti sur la bouche d’Aïxa !…

ERJEB-PACHA.

Une bouche édentée !… qu’est devenu mon harem ? Ansha disparue, Aïxa et Zulma estropiées, Fatma plaidant en divorce !… Allons, la vie politique seule peut me consoler. Le pouvoir et les honneurs me feront oublier ces misères !… De la force d’âme, Erjeb ! de la force d’âme ! Réservons-nous pour la patrie et pour le souverain ! Montrons-nous digne de la faveur impériale, et que la fermeté de mon caractère brille au milieu de mes revers ! (A part.) L’équipée de Halil-Bey rompt tout projet de mariage avec la fille de mon ami Hamid-Bey. Si je m’offrais à la place de mon fils ! Ce sera un grand honneur pour cette famille, mais Hamid-Bey m’est entièrement dévoué, et il faut bien que je fasse quelque chose pour mes amis. Tout dévouement a droit à une récompense. Bon ! voilà une excellente idée, une idée lumineuse, et je vois avec satisfaction que mon esprit n’a rien perdu de sa lucidité. Ah ! mon vénéré maître, quel malheur pour vous d’avoir perdu un serviteur tel que moi ! C’était pour vous, c’est-à-dire pour votre auguste père que cette imagination féconde concevait jadis ses vastes desseins, c’était pour lui que cette intelligence lumineuse nourrissait ses profondes conceptions. Ah ! quels précieux instrumens l’on vous a dérobés !.


SCÈNE TROISIÈME.
(Entre un EUNUQUE apportant des papiers qu’il présente à Erjeb-Pacha.)


L’EUNUQUE

Votre excellence attend ici les dépêches de Stamboul. Le courrier vient d’arriver. Mohammed-Ali est resté à la poste pour les apporter aussitôt que la malle aux lettres aura été ouverte. Voici d’abord la gazette.

ERJEB-PACHA.

C’est bien. (Il prend la gazette.) Voyons les pièces officielles, ce sont les seules