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prières liturgiques ; quand il fut entré dans l’église, la foule se pressa, mais sans bruit, pour y pénétrer. L’évêque acheva le service funèbre. Le vœu de sir Robert Peel fut religieusement accompli ; son cercueil descendit sans pompe dans le caveau où reposaient son père et sa mère, accompagné des regrets et des prières de la modeste population au milieu de laquelle il venait vivre quand il ne gouvernait pas l’état.

Il sied aux grands hommes de mourir avec modestie et aux grands peuples d’honorer avec éclat leur mémoire. L’Angleterre n’a point manqué, envers sir Robert Peel, à ce pieux devoir. Pendant que, suivant sa volonté, on lui faisait, au milieu des champs, des funérailles de village, à Londres, à Manchester, à Glasgow, à Edimbourg, à Birmingham, à Leeds, et dans un grand nombre d’autres villes, des meetings se réunissaient, les corporations municipales délibéraient pour lui ériger des monumens et des statues. Plusieurs de ces votes ont déjà été réalisés ; d’autres sont en voie d’exécution ; je n’insisterai que sur deux, le plus élevé et le plus humble. C’est le signe certain de la grandeur de se faire reconnaître à tous les degrés de l’échelle sociale, et de laisser partout, dans les chaumières comme dans les palais, les traces de son passage sur la terre.

Le 12 juillet, lord John Russell fit à la chambre des communes la motion qu’un monument fût érigé à sir Robert Peel dans l’église de Westminster, avec une inscription où fût exprimé le sentiment public qu’inspirait une si grande et irréparable perte. « Je ne veux entrer, dit-il, dans aucun examen des services de sir Robert Peel, ni des mesures auxquelles son nom est lié… La commission que vous avez chargée de rechercher quels devaient être les hommes éminens dont les statues orneraient cette salle a décidé que celles de M. Hampden et de lord Falkland y prendraient place… Elle a pensé sans doute que, quelque divers que fussent les principes et les talens de ces deux grands hommes, ils avaient eu l’un et l’autre à cœur le bien de leur pays et qu’ils avaient été l’un et l’autre l’ornement de leur temps. N’attendons pas deux siècles, comme pour Hampden et lord Falkland, ni même trente, vingt ou dix ans, pour rendre justice aux morts, et pendant que le même sentiment nous anime, honorons comme il convient la mémoire de sir Robert Peel. »

La chambre adopta sur-le-champ la motion, et le 18 juillet elle reçut l’avis officiel que la reine avait donné les ordres nécessaires pour l’accomplissement de son vœu.

Déjà huit jours auparavant, un comité avait ouvert, au nom des classes ouvrières, une souscription d’un penny (deux sous) par personne pour ériger à sir Robert Peel un monument sous ce titre : « Monument national des pauvres. » Le comité demanda à M. Cobden de