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MAURICE DE TREUIL.

— Une bonne nouvelle, une nouvelle excellente, la meilleure de toutes les nouvelles ! La famille agrée la recherche que vous faites de Mlle Sorbier, et m’a chargé de vous ramener ce soir à la Colombière. Vous êtes marié.

— Ah ! fit Maurice en soupirant.

Tout ce que Philippe lui avait dit la veille lui revenait à l’esprit, et cette nouvelle apportée par le rentier lui donnait plus d’inquiétude que de joie.

L’indifférence de cet accueil frappa M. Closeau du Tailli.

— Diable ! mon cher, comme vous prenez plaisamment les choses ! reprit-il ; j’en connais qui m’auraient sauté au cou dès le premier mot.

— Vous aviez pris en main la défense de ma cause, je ne doutais plus du succès.

M. Closeau du Tailli sourit.

— Ah ! j’ai emporté l’affaire d’assaut… Mais il était temps !… Quelques jours encore, et il eût été trop tard. Vous aviez un rival dangereux…

— M. de Courtalin ?

— Lui-même.

— Il aime Mlle Sorbier ?

M. Closeau du Tailli haussa les épaules.

— Il aime sa dot.

— Eh bien ! cette dot est précisément le côté mauvais de ce mariage.

— Êtes-vous jeune ! s’écria le rentier avec un sourire de commisération. On découvre un diamant pour monsieur, et monsieur trouve que le diamant est trop beau. Préférez-vous quelque caillou ? Vous faut-il une bergère qui n’aurait pour douaire que sa quenouille et ses sabots ?

— Non, répondit Maurice, je ne suis pas encore si Némorin que cela ; mais la richesse de votre filleule est un voile sur sa beauté : elle me la gâte. On dira que je fais un mariage d’argent, et cette idée me gêne.

— On dira que vous êtes un homme d’esprit, et si quelqu’un vous blâme, soyez sûr que ce quelqu’un vous enviera…

M. Closeau du Tailli tourna la tête du côté d’un tableau d’église suspendu au mur.

— Regardez cette Vierge, reprit-il ; ce nimbe d’or qui rayonne autour de ce front divin diminue-t-il en rien sa beauté ? Sophie est comme cette Vierge, et sa dot lui sert d’auréole.

Du tableau de la Vierge, les yeux de Maurice s’arrêtèrent tour à tour sur ces mille objets bizarres qui remplissent un atelier, et qui bien souvent, par l’influence mystérieuse des choses qu’on aime,