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MAURICE DE TREUIL.

tié unissait nos deux familles… Je l’ai vu de près, s’acharnant au travail et corrigeant la mauvaise fortune à force de courage et d’énergie. Aime-le de tout ton cœur, respecte son talent, et rends-lui légères ces richesses que tu lui apportes.

— Certainement, répondit Sophie ; je lui achèterai un joli cheval anglais.

Elle étouffa un léger bâillement et frissonna en ramenant autour d’elle un petit châle.

— Adieu, dit-elle ; il est un peu tard, je crois, il faut dormir.

Elle embrassa Laure et sortit. Laure tomba sur ses genoux, les mains jointes. — Mon Dieu, dit-elle, prenez pitié de moi !

Presque à la même heure, un homme allait et venait sur la route au bas de la côte qui traverse Nanterre. Près d’une borne, un coupé gisait par terre, un essieu cassé. Le cocher grattait son front d’un air morne.

— Toutes les voitures de Nanterre sont en route, dit-il. Je n’ai guère trouvé qu’une méchante carriole en forme de charrette. Si monsieur veut…

— Pour me disloquer chemin faisant, merci !

M. de Courtalin, car c’était lui, jeta sur la route blanche un regard désespéré. Ce regard, qui en mesurait les deux extrémités, rencontra les deux lanternes d’une voiture qui avançait rapidement du côté de Ruel. On pouvait entendre déjà le roulement lointain des roues. Trois minutes après, les deux lanternes projetaient leur clarté sur le coupé renversé, et le maître de la voiture, se penchant en dehors, fit voir au député le visage de M. Closeau du Tailli.

— Quoi ! vous ici ! s’écria celui-ci. Montez, cher monsieur, montez… Ce m’est une bonne fortune que de vous rencontrer.

M. de Courtalin jeta cent sous au cocher du coupé et sauta dans la calèche.

M. Closeau du Tailli avait une physionomie radieuse.

— Pardieu ! reprit-il, la nuit est superbe, et je regrettais de n’avoir personne avec moi pour causer en fumant un cigare.

Et, tirant de son étui un cigare qu’il offrit à M. de Courtalin : — Savez-vous bien, dit-il, ce qu’on a fait à la Colombière ce soir après votre départ ? On s’est occupé d’une affaire de famille où votre nom a été prononcé.

— Ah !

— Je ne sais pas si vous avez remarqué que ma filleule, Mlle Sorbier, a dix-huit ans.

— Comment la voir et ne pas le remarquer ?

— Il faut songer à établir cette chère enfant, et nous en avons causé ce soir.

— Un mariage ?