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sir James Graham et M. Gladstone étaient les trois principaux, et une portion des radicaux, comme M. Cobden et sir William Molesworth, partisans déclarés de la politique pacifique, mais aspirant à des réformes intérieures que repoussaient absolument leurs alliés du moment. Si le cabinet whig était tombé, ses vainqueurs auraient été hors d’état de lui succéder.

XVII.

Le débat avait duré toute la nuit. Quand la chambre leva sa séance, le jour commençait, le samedi 29 juin 1850, un beau jour d’été. Sir Robert Peel rentra chez lui à pied, content de son succès et charmé de respirer l’air frais du matin sous les premiers rayons du soleil. Après avoir pris quelques heures de repos, il sortit avant midi pour aller assister à une séance de la commission chargée, sous la présidence du prince Albert, des préparatifs de la grande exposition industrielle de 1851 ; on devait déterminer ce jour-là l’emplacement et le plan du Palais de Cristal. De retour chez lui, sir Robert passa dans son cabinet le reste de la matinée, et ressortit à cheval vers cinq heures, suivi d’un groom, pour une promenade. Il alla d’abord à la porte de Buckingham-Palace écrire son nom sur le livre de visites de la reine ; puis, arrivé à Constitution-Hill, presque en face du guichet qui ouvre sur Green-Park, et rencontrant miss Ellis, une des filles de lady Dover, qui se promenait aussi à cheval, il s’avança pour la saluer. Le cheval de sir Robert fit quelque résistance ; c’était un cheval de huit ans, bien dressé, que son gendre, lord Villiers, avait soigneusement essayé pour lui, et qu’il montait lui-même depuis deux mois. Sir Robert le ramenait doucement quand le cheval fit un brusque écart et le lança par-dessus sa tête. Il tomba violemment et tout de son long, la face contre terre. Deux passans le relevèrent aussitôt ; un médecin de Glasgow, le docteur Foucart, qui se trouvait à quelques pas, s’approcha et lui demanda s’il était blessé : « Oui, beaucoup, » répondit sir Robert avec un profond gémissement, et, avant qu’on se fût procuré une voiture, il perdit connaissance. Mistriss Lucas, qui passait, offrit sa voiture ; on y plaça sir Robert, qui reprit ses sens et dit : « Je me sens mieux. » La voiture traversait le parc au pas pour le ramener dans sa maison de Whitehall-Gardens ; les deux passans qui l’avaient relevé et le docteur Foucart l’accompagnaient ; ils rencontrèrent le médecin de la reine, sir James Clark, qui avait appris l’accident et accourait offrir ses soins. Quand sir James fut monté dans la voiture, sir Robert entra dans une vive agitation ; il voulait se lever et descendre ;